MUNICIPALES - Vague UMP ou digue rose? Raz-de-marée Bleu marine ou résultats bigarrés? Au soir du premier et du second tour, chaque formation politique aura tendance à tirer les enseignements qui l'arrangent du verdict des urnes. Avec plus de 36.000 scrutins simultanés, ces élections municipales se prêtent aisément à l'exégèse, à la récupération, pour ne pas dire à l'enfumage total.
Les pronostics semblent pourtant déjà bien établis. Historiquement, jamais un parti de gouvernement n'a remporté les élections municipales et tous les sondages nationaux donnent l'UMP en tête. Ce qui n'empêche pas le PS de promettre qu'il résistera mieux que prévu tandis que le FN promet de s'imposer partout où il est présent.
Mais quels sont donc les critères objectifs qui permettent de définir que tel ou tel parti a réellement remporté ou perdu la bataille électorale? Petit guide pratique de lecture des résultats municipaux.
Le parti qui fera élire le plus de conseillers municipaux les 23 et 30 mars prochains devrait logiquement s'octroyer le statut de premier parti des villes de France. Mais sur les quelques 88.000 élus que compte la carte municipale, seule une minorité se revendique clairement d'un parti politique.
Au lendemain des élections de 2008, le ministère de l'Intérieur comptabilisait 12.284 élus divers gauche contre seulement 10.461 socialistes. Les listes majorités présidentielles de l'époque (UMP et Nouveau Centre) avaient remporté 19.425 élus, soit moins que les listes divers droite (comprenant dissidents, candidats non encartés...) et leurs 19.625 conseillers municipaux.
Difficile dans ces conditions d'établir une réelle hiérarchie entre les deux grands partis. D'autant que les "nuances" d'étiquettes adoptées par le ministère de l'Intérieur pour comptabiliser les élus en fonction de leur appartenance politique n'aident pas à clarifier les choses. Jean-Luc Mélenchon s'est d'ailleurs plaint que les élus Front de Gauche ne soient pas tous comptabilisés sous la même étiquette, ce qui contribue à brouiller le rapport de force électoral sur le terrain.
Les petits partis pourraient toutefois recourir à ce critère pour se compter. Avec seulement 80 conseillers municipaux sortants, Marine Le Pen s'est fixée pour objectif d'en faire élire 1000 cette année. Une manière de donner corps à la "vague bleu marine" tant annoncée si aucune ville ne tombait dans son escarcelle. Le Modem de François Bayrou vise 1500 élus (contre 900 à l'heure actuelle), l'UDI de Jean-Louis Borloo espère passer de 2500 à 5000.
Voilà une question qui fera couler beaucoup d'encre au soir du premier tour. Combien le Front national parviendra-t-il à imposer de triangulaires au PS et à l'UMP? A défaut de pouvoir contracter des alliances dans l'entre-deux-tours, le FN se réfère souvent à ce critère pour mesurer sa progression et sa capacité de nuisance électorale.
Pour se maintenir au second tour, il faut réunir 10% des voix exprimées. En 2008, le parti de Jean-Marie Le Pen, qui était alors au bord de la faillite, n'avait présenté qu'une petite centaine de listes, provoquant une douzaine de triangulaires. En 2014, avec 600 listes au compteur, la formation de Marine Le Pen en espère plus de 200 et peut-être même davantage.
Certaines triangulaires pèseront symboliquement plus que d'autres. A Marseille, les listes de Stéphane Ravier pourraient se qualifier au second tour dans chacun des 8 secteurs. Et le candidat FN à Paris Wallerand de Saint-Just remporterait une victoire emblématique s'il parvenait à hisser ne serait-ce qu'une seule de ses listes au second tour.
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C'est la bataille des maires: pour savoir qui a remporté l'élection, il suffirait de comparer quel parti politique présidera le plus grand nombre de communes. Mais là encore tout est affaire d'interprétation.
Si l'on ne tient compte que des 123 villes de plus de 50.000 habitants, le PS en dirige déjà près de 50%, contre un peu plus de 25% pour l'UMP. Sur les 971 villes de plus de 10.000 habitants, 54% d’entre elles sont à gauche. Sur les 41 villes de plus de 100.000 habitants, 63% ont un maire socialiste ou apparenté. Il faudrait donc un cataclysme électoral pour que ce rapport de force s'inverse, tout comme il sera quoiqu'il arrive très difficile pour le Parti socialiste de progresser davantage.
Ce sont donc les progressions et les régressions qui risquent d'être d'avantage mises en avant par les états-majors. Et ceux-ci ont déjà fait leur compte. A moins de 30 villes perdues de plus de 10.000 habitants, le PS estime qu'il aura limité la casse. Surtout s'il compense en faisant basculer quelques fiefs de droite emblématiques. A plus de 30 villes conquises, l'UMP pourra au contraire s'estimer gagnante, surtout si elle parvient à s'octroyer plusieurs villes de plus de 100.000 habitants.
Eclipsés de la campagne en raison de l'impopularité record du gouvernement, les ministres ont été priés de se faire discrets, même si nombre d'entre eux figureront sur les listes municipales. Seuls deux d'entre eux sont têtes de liste, Frédéric Cuvillier, à Boulogne-sur-mer (Pas-de-Calais) et Marie-Arlette Carlotti dans le troisième secteur de Marseille.
Peu de suspense pour le ministre des Transports qui avait été réélu triomphalement dès le premier tour en 2008. Mais la ministre déléguée aux personnes handicapées, battue lors d'une primaire PS pour la mairie de Marseille, prend un vrai risque en partant à l'assaut d'un secteur clé tenu par l'UMP. Une défaite ne manquera pas d'être associée à une sanction de l'exécutif; Mais si elle l'emporte, Marie-Arlette Carlotti pourrait offrir la victoire à son chef de file Patrick Mennucci et faire ainsi basculer Marseille à gauche. Ce qui constituerait une revanche inespérée pour la majorité et le gouvernement socialistes.
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Car, à tort ou à raison, certaines villes pèsent plus que d'autres dans le débat politico-médiatique. Il suffit parfois de conquérir une ou deux "villes-trophées" pour éclipser de moins bons résultats. Si François Bayrou l'emporte à Pau, sa victoire servira de porte-étendard pour un centre en pleine recomposition. Si Paris bascule à droite, l'UMP pourra crier au triomphe, quoi qu'il advienne par ailleurs.
A l'inverse, conserver Paris et Lyon tout en l'emportant à Marseille pourrait être le tiercé gagnant du PS qui lui permettrait de compenser de mauvais résultats par ailleurs. Que se passera-t-il si aucune métropole ne bascule? L'attention médiatique se reportera sur des villes de moindre importance. Gare alors à ne pas perdre Strasbourg et Toulouse, conquises par la gauche en 2008.
Du côté du Front national, qui ne dirige aucune municipalité, il suffira d'une ville conquise pour que la victoire symbolique ne soit totale. Sur ce seul critère, le parti de Marine Le Pen semble en mesure de l'emporter dans une dizaine de municipalités, de Hénin-Beaumont à Fréjus en passant par Forbach.