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Dix ans après Lehman, les nouveaux déséquilibres de la finance mondiale

+ VIDEO Par leurs actions, les Etats, les régulateurs et les banques centrales ont éteint le feu de la crise. Mais faute de l'avoir repensé, le système financier reste convalescent et sources de nouveaux déséquilibres.

Un employé de Lehman Brothers quitte les bureaux de New York, le 15 septembre 2008. 
Un employé de Lehman Brothers quitte les bureaux de New York, le 15 septembre 2008. (REUTERS/Joshua Lott (UNITED STATES) - GM1E49G0EE901)

Par Thibaut Madelin

Publié le 14 sept. 2018 à 11:38Mis à jour le 15 sept. 2018 à 11:05

« Le bon sens, c'est de choisir une méthode et de l'expérimenter. Si elle échoue, reconnaissons-le franchement et essayons une autre méthode. Mais par-dessus tout essayons quelque chose ». Quand Franklin Roosevelt prononce ce discours de campagne, en 1932, les Etats-Unis se sont certes remis du krach de 1929 mais ils restent paralysés par la Grande Dépression. Plusieurs banques sont en faillite. Une fois élu, le président lance son « new deal » et procède à la réforme la plus audacieuse jamais connue par la finance. A travers le Glass-Steagall Act, il sépare les banques d'affaires des banques de dépôt et introduit une régulation stricte. La finance se stabilise pour des décennies.

« Le système a tenu jusqu'aux années Clinton, dont l'administration a libéralisé les banques », souligne un banquier parisien. Quatre-vingt-cinq ans plus tard, et dix ans après la faillite de Lehman Brothers, il se pose la question : aurait-on dû avoir l'audace de Roosevelt ? « On a cherché à réparer ses déficiences, mais on n'a pas repensé le système financier, abonde Pierre Cailleteau, banquier chez Lazard et auteur d'un livre sur le sujet. C'est d'autant plus difficile que si on sonne l'alarme, il faut un modèle alternatif et on n'en a pas ». Si les Etats et les banques centrales ont réagi avec vigueur à la crise de 2008 et à ses répliques, il suffit de quelques chiffres pour se convaincre de la précarité du système.

La menace de l'excès de dette

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Au niveau mondial, la dette publique et privée représentait 61 % du PIB mondial en 2001 et 116 % en 2007. Aujourd'hui, elle pèse 225 %, selon les chiffres du FMI. Loin de diminuer, le poids du système financier global représentait 143.000 milliards de dollars d'actifs en 2003 et 340.000 milliards en 2016. La somme de bilan de la Banque centrale européenne (BCE), qui a sorti l'arme nucléaire des taux à 0 % et des achats d'actifs pour combattre la crise financière puis celle de l'euro, est passée de 1.000 à plus de 4.500 milliards d'euros… C'est un peu comme si, en cherchant à éteindre le feu, on avait semé les germes de la prochaine crise.

Si les chiffres donnent le vertige, il serait injuste d'ignorer les efforts accomplis. Sous la pression des autorités prudentielles, qui avaient d'abord sous-estimé les dangers d'une finance à la créativité débridée, les banques ont partout renforcé leurs fonds propres, de quelque 1.500 milliards de dollars au total. Si l'Union européenne a enterré le rapport Liikanen, qui proposait la même réforme que Roosevelt, elle a mis en place une nouvelle architecture prudentielle qui impose des règles particulièrement strictes aux grandes banques. « Le système financier international est beaucoup plus robuste qu'avant 2008, mais l'économie mondiale reste menacée par l'excès de dette », écrit l'ancien président de l'autorité de régulation britannique Adair Turner dans le « Financial Times ».

La capacité d'absorption de choc érodée

D'autant qu'à travers leurs politiques non conventionnelles, les banques centrales ont sans doute alimenté des créations de bulles et usé leurs dernières munitions. Et en sauvant les banques, les Etats se sont tellement endettés qu'ils ont perdu leur marge de manoeuvre. « Ceux qui seraient en mesure d'amortir le choc ne peuvent plus aider, sans parler de la tolérance des populations », s'inquiète Pierre Cailleteau. Par ailleurs, en forçant les banques à rééquilibrer le rapport entre les fonds propres et les actifs, pour les prémunir contre un risque de faillite ou de sauvetage, on a fait prospérer une « finance de l'ombre » qui échappe à la surveillance la plus stricte…

Focus sur les bonus : ce qui a changé depuis la chute de Lehman Brothers

Dix ans après Lehman, quel serait l'équivalent des « subprimes » déclenchant une nouvelle crise systémique : les excès du crédit immobilier, des tensions sur la dette italienne, un retournement conjoncturel sur fond de guerre commerciale ou de décrochage des pays émergents, « une innovation technologique qu'on comprend plus ou moins bien et qui peut représenter de nouveaux canaux de contagion ou des détonateurs », comme le concède un régulateur ? Une chose est sûre, avec la montée du populisme, né en partie de la crise financière, la capacité des Etats à se coordonner, comme le G20 l'avait fait en 2009, est loin d'être garantie…

Thibaut Madelin

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