POLITIQUE - L'Élysée n'en démord toujours pas. "Monsieur Benalla n'a pas assuré de mission de police" a affirmé le chef de cabinet d'Emmanuel Macron devant la commission d'enquête sénatoriale, ce mercredi 12 septembre. François-Xavier Lauch, à l'instar des autres membres du cabinet élyséen convoqués par les parlementaires avant lui, a juré qu'Alexandre Benalla ne s'occupait pas directement de la sécurité du Président, mission exclusivement assurée par les policiers et gendarmes composant le GSPR, ses attributions le cantonnant au rôle de coordination des services liés à la présidence de la République.
Pourtant quelques heures avant cette audition, c'est une tout autre image du travail d'Alexandre Benalla que BFMTV présentait, contrariant toutes les déclarations officielles faites sous serment devant les députés et les sénateurs. Déjà entraperçu fin juillet, la chaîne info a diffusé cette fois-ci dans sa longueur un échange peu amène entre ses journalistes et le chargé de mission. Filmé à la sortie d'un restaurant lors d'un déplacement présidentiel fin décembre 2017 à La Mongie, station de ski pyrénéenne, Alexandre Benalla se comporte comme... un policier. Prétextant une atteinte à la vie privée du couple Macron, il ne se contente pas d'exiger l'interruption du tournage. Celui qui n'est pas censé effectuer de "mission de police" ordonne pourtant une fouille ("sortez ce que vous avez dans les poches") ainsi qu'un contrôle d'identité ("sortez votre pièce d'identité").
Une scène qui vient renforcer le témoignage d'un photographe ainsi interpellé à Marseille en août 2017 par le 'monsieur sécurité' de l'Élysée devant l'entrée de la résidence de vacances du chef de l'État : "Vous faites du harcèlement. Ne bougez plus, vous êtes en garde à vue. Je vous fait coffrer pour 48 heures. Tous les policiers du commissariat étaient choqués par la méthode" a confié le photoreporter au 20h de TF1. Le parquet de Marseille avait finalement classé sans suite l'enquête préliminaire ouverte suite au dépôt d'une plainte au nom d'Emmanuel Macron contre ce photographe de presse pour "harcèlement et tentative d'atteinte à la vie privée", le procureur ayant relevé une "absence d'effraction", selon Médiapart.
Mais Alexandre Benalla avait-il pour autant le droit d'agir comme un policier en menaçant d'interpeller, de fouiller ou de vérifier des identités ? "Absolument pas car jusqu'à preuve du contraire, il n'a aucune compétence pour le faire", répondent en choeur les syndicalistes policiers que nous avons contactés, toujours très remontés contre les agissements du garde du corps présidentiel le 1er mai à Paris. "Ce monsieur nous a causés beaucoup de tort" tempête le secrétaire national d'Unsa-Police, David Michaux. Même son de cloche chez son homologue de Vigi-CGT-Police, Alexandre Langlois, qui pointe de nouvelles difficultés rencontrées par ses collègues sur le terrain à cause d'une méfiance grandissante : "Les gens, de plus ou moins bonne foi, nous accusent d'être de faux policiers. Cela ralentit notre travail au quotidien" déplore-t-il.
Concernant le contrôle d'identité ordonné par Alexandre Benalla à La Mongie fin 2017, le site officiel de l'administration française, Service-Public.fr, rappelle qu'il ne peut légalement s'effectuer "uniquement [par] les policiers de la police nationale ou gendarmes ayant la qualité d'officiers et, dans certains cas, les douaniers". Or le chargé de mission élyséen a été hâtivement promu lieutenant-colonel dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie. "C'est donc un gradé de la gendarmerie. Il dispose à ce titre de la qualité d'officier de police judiciaire (OPJ) comme le définit l'article 16 du code de procédure pénale", détaille au HuffPost Mikaël Benillouche, maître de conférences en droit pénal à l'université d'Amiens.
Alexandre Benalla légalement habilité à opérer sur la voie publique une vérification d'identité ? Rien n'est moins sûr. "Pour exercer les fonctions d'OPJ, il faut qu'il y ait une infraction flagrante, ce qui est loin d'être évident dans la séquence diffusée par BFMTV" remarque l'expert en droit qui nous renvoie vers le passage du code de procédure pénale conditionnant l'effectivité des pouvoirs de contrainte d'un OPJ à "une décision du procureur général près la cour d'appel" et à l'occupation d'un emploi en lien avec l'activité d'officier de police judiciaire. Autrement dit, Alexandre Benalla ayant signé avec l'Élysée un contrat de travail l'engageant à durée déterminée comme "agent contractuel" au cabinet du chef de l'État afin d'assurer à temps plein "les fonctions de chargé de mission", et sans indice ou preuve attestant d'une assermentation, il parait peu probable qu'Alexandre Benalla ait agi dans un cadre légal.
Si comme le clame l'Élysée "monsieur Benalla n'a pas assuré de mission de police", la présidence de la République ignorait-elle pour autant que son ancien chargé de mission agissait parfois comme un policier? De l'interpellation de journalistes aux recadrages houleux de fonctionnaires de police et de gendarmerie, les exemples ne manquent pourtant pas, comme le montre montage vidéo. Il apparait difficilement concevable que celui était surnommé "l'épaule" du Président, car souvent situé à sa proximité, ait pu accomplir d'apparentes "missions de police" dans le dos des responsables élyséens sans jamais se faire remarquer.
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