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Un collectif de personnalités lance "une grève de la faim illimitée" en soutien à Oleg Sentsov
Manifestation en soutien à Oleg Sentsov devant l'ambassade de Russie à Prague, à l'occasion de son 100e jour de grève de la faim, le 28 août.
Michal CIZEK / AFP

Un collectif de personnalités lance "une grève de la faim illimitée" en soutien à Oleg Sentsov

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A partir de ce vendredi 14 septembre, des personnalités doivent camper chaque jour devant l'ambassade de Russie à Paris en soutien au réalisateur ukrainien. L'ancienne garde des Sceaux, Christiane Taubira, a donné ce matin le départ de cette "grève de la faim illimitée".

Dans un état critique, Oleg Sentsov entame ce vendredi 14 septembre son 124e jour de grève de la faim. Jeudi, un collectif de cinéastes, philosophes et intellectuels français coordonnés par Christophe Ruggia, co-président de la Société des réalisateurs de films, a annoncé le lancement d'une initiative en soutien au réalisateur ukrainien détenu en Sibérie. A partir de ce vendredi et « jusqu’à la libération d’Oleg Sentsov et des autres prisonniers politiques ukrainiens emprisonnés en Russie », rapporte Libération, des personnalités participeront à une « une chaîne illimitée de grévistes de la faim ».

Postée à côté d'une tente plantée dans un square face à l'ambassade de Russie située dans le XVIe arrondissement de Paris, Christiane Taubira a initié le mouvement dans la matinée avec une brève conférence de presse. « Marraine » de l'action, l'ancienne ministre de la Justice a précisé ne pas pouvoir « être présente physiquement devant l'ambassade » mais qu'elle s'engageait à « respecter le jeûne ». En août déjà, dans une tribune publiée dans Le Monde Christiane Taubira alertait, aux côtés d'autres politiques et intellectuels, les autorités russes et françaises sur la nécessité « d'agir vite pour ne pas laisser Oleg Sentsov mourir ».

En ce jour « hautement symbolique », qui marque le quatrième mois de jeûne du cinéaste ukrainien, c'est le réalisateur Laurent Cantet qui a pris place le premier devant l'ambassade. « Cela peut passer pour quelque chose de très dérisoire, mais il faut vraiment le voir comme un symbole de notre solidarité avec Sentsov », explique-t-il à Marianne. Dans 24 heures, une autre personnalité - dont l'identité est gardée secrète pour ménager le suspense - entamera à son tour la grève de la faim le temps d'une journée. « On souhaite par là utiliser notre visibilité pour la mettre au service de la cause. Sans avoir la prétention de penser que cela va tout changer, on a le sentiment que c'est un premier pas important », poursuit Laurent Cantet.

Les soutiens se multiplient

Depuis son incarcération, acteurs et réalisateurs, écrivains et journalistes, russes et étrangers, demandent régulièrement sa libération. Le 8 septembre, le jury de la 75e Mostra de Venise présidé par Guillermo Del Toro a exprimé à son tour son « extrême préoccupation pour la condition physique du réalisateur condamné à 20 ans de prison par un tribunal militaire russe, et prisonnier depuis plus de quatre ans dans le nord de la Sibérie ». En juillet, le réalisateur Jacques Audiard, comme d'autres personnalités françaises avant lui, rappelait dans une vidéo publiée sur le site Konbini le devoir des intellectuels et personnes influentes de « porter haut le combat de l'opposant ».

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Sur le plan politique, le porte-parole du gouvernement français, Benjamin Griveaux, avait estimé le 10 juillet que « les droits élémentaires » de la défense d’Oleg Sentsov n’avaient « manifestement pas été respectés ». Depuis, l’Élysée a réagi et annoncé début août dans un communiqué que le président français avait fait « plusieurs propositions » à son homologue russe, à l'occasion de la Coupe du monde, afin de « trouver de façon urgente une solution humanitaire ». Visiblement peu soucieux du sort de l'opposant, Vladimir Poutine s'est en retour simplement engagé à répondre aux requêtes et « à diffuser rapidement des éléments sur son état de santé ».

Perte de 30 kilos

Force est de constater que les nouvelles ne sont pas bonnes, voire « critiques » selon le dernier bilan du médecin en charge du cinéaste. Refusant tout transfert à l'hôpital et n'acceptant que de boire plusieurs litres d'eau par jour, le réalisateur a perdu plus de 30 kilos à ce jour.

Opposant à l’annexion de la Crimée par la Russie, Oleg Sentsov a été condamné en août 2015 à vingt ans de prison pour terrorisme et trafic d’armes à l’issue d’un procès qualifié de stalinien par Amnesty International. Il est accusé d’avoir, avec un complice, envoyé deux cocktails Molotov contre les locaux d’une organisation criméenne prorusse. Depuis incarcéré dans la colonie pénitentiaire de Labytnangui, dans le nord de la Sibérie, il a débuté le 14 mai sa grève de la faim pour exiger la libération de ses 70 compatriotes ukrainiens détenus en Russie. Alors qu'il risque de mourir sous peu, les négociateurs auprès des autorités russes avouent « se heurter à un mur ». D'où « l'urgence d'une mobilisation immédiate », selon les collectifs de soutien au réalisateur.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne