C’est une forêt vieille de 12 000 ans qui, en quelques décennies, est retournée à l’état de poussière. Ou plutôt de lignite. La mine de charbon située à proximité ronge la forêt de Hambach depuis son ouverture en 1978. Chaque année, un accord entre le gouvernement du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et son prestataire RWE autorise l’immense carrière de lignite à s’étendre de 100 hectares.

Le prochain agrandissement est prévu le 1er octobre. Il pourrait bien s’agir du dernier, selon un éditorialiste de la Süddeutsche Zeitung : “Autrefois les hêtres et les chênes poussaient sur 4 100 hectares. Aujourd’hui, la forêt située à environ 30 kilomètres à l’ouest de Cologne ne s’étend plus que sur 200 hectares.”

Des militants “de toute l’Allemagne et des pays voisins”

La dernière partie qui reste de cet écrin sylvestre cache une cinquantaine de cabanes perchées dans les arbres. Des activistes environnementaux ont élu domicile dans la forêt, à quelques pas de la mine, afin de protester contre son extension. “Au total, jusqu’à 3 500 fonctionnaires seront déployés”, avait prévenu le président du syndicat de police GdP, Michael Mertens, auprès de Die Welt, juste avant l’expulsion des occupants.

Celle-ci a débuté jeudi 13 septembre et a donné lieu à des premiers affrontements, comme le rapporte le journal berlinois :

Le ministre de l’Intérieur de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a averti que l’on avait affaire à des ‘extrémistes de gauche extrêmement violents’ venus de toute l’Allemagne et des pays voisins.”

L’opération d’évacuation devrait s’étendre sur “de nombreux jours” et s’annonce délicate, comme l’explique la Süddeutsche Zeitung : “Des équipes d’intervention de plusieurs Länder sont déployées dans la zone d’extraction du lignite afin d’évacuer les 51 cabanes, construites à des hauteurs de 20 à 25 mètres, enregistrées par des données GPS.” Le ministère local de la Construction a expliqué que cette action était, en partie, justifiée par “l’absence de protection contre les incendies” sur les lieux.

“La dernière chance des arbres”

Chaque jour, les chenilles mécaniques et les semi-remorques s’activent, plus bas dans la mine, pour fournir 15 % des besoins énergétiques du Land. “De nombreuses entreprises industrielles à forte intensité énergétique dépendent de Hambach. Un effort énorme serait nécessaire pour combler ce manque”, rappelle un éditorialiste de Der Spiegel. Cette problématique remonterait à des décisions relativement anciennes : “​Si le gouvernement fédéral avait entrepris plus tôt, et avec plus de détermination, la sortie de l’industrie du charbon, la forêt aurait sans doute pu être sauvée. Mais, si triste que cela puisse être pour les chênes et les tilleuls de Hambach, la sortie du charbon arrive trop tard.” Outre-Rhin, la dernière centrale à charbon ne devrait pas fermer ses portes avant 2040, “selon l’état actuel des discussions”.

“Le vespertilion de Bechstein [une espèce de chauve-souris], la grenouille agile et le loir” sont autant d’espèces protégées qui habitent ces bois, rappelle l’éditorialiste de la Süddeutsche Zeitung. La bataille politique pour préserver les derniers arbres de Hambach apparaît comme “la dernière chance des forêts”, assure-t-il, avant de conclure : “Le gouvernement allemand a nommé une commission chargée de déterminer une date de sortie du charbon. Des pays comme le Royaume-Uni ont en effet déjà annoncé la fin de ce type de production d’électricité en 2025. L’entreprise RWE n’essayerait-elle pas, en défrichant une bonne fois pour toute la forêt de Hambach, de devancer la décision du gouvernement ?”