Les parutions de fin septembre jouent des coudes dans notre palmarès...

La librairie de L'Express.

GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO

Porté par une écriture intense et lumineuse, ce roman raconte le crépuscule d'un homme. Celui de Paul Valéry aux derniers mois de sa vie. On découvre un poète perdu, solitaire, désemparé par les années de guerre et l'effroi de la découverte des charniers. Toute la force du récit est là : comment peut-on croire encore à la beauté quand l'horreur défigure tout ? Ce 21 février 1945, comme lui avait dit son amie Mathilde quelques années auparavant , "la beauté est morte". Que reste-t-il d'une vie consacrée à la poésie ? Paul Valéry retrouve un sens à son désarroi dans les carnets de Berthe Morisot. Les génies se tiennent la main, à travers les années et les siècles, dans une conversation sensible. Il l'a connue cinquante ans auparavant, lors des mardis de Stéphane Mallarmé.

Publicité

Revient alors toute une époque marquée par une folle ébullition créative. Oui, Berthe apparaît sous ses yeux, et il éprouve le sentiment de pouvoir la toucher du doigt. Valéry la définit ainsi : elle ne peignait "ni l'apparence des choses ni le sens des corps, mais le prodige de l'instant aveuglant et l'effroi de sa disparition". La peinture de Morisot, malgré l'abondance figurative, est traversée par l'absence. Et c'est au coeur de ce qu'on ne voit pas toujours mais qu'on ressent que Valéry va puiser l'énergie de ses ultimes envies. Plus encore que le désir de créer, sa recherche est majeure : renouer avec l'humanité. En lisant ce roman, on porte un regard différent sur l'oeuvre de Berthe Morisot.

Elle déborde les impressionnistes, empiète sur le nouveau siècle avec un oeil acéré et moderne. Paul Valéry l'observe une dernière fois avant de mourir, et cela fait penser aux vers de Platon : "Celui dont les yeux ont vu la Beauté / A la mort dès lors est prédestiné".

La Tristesse des femmes en mousseline; par Jean-Daniel Baltassat. Calmann Levy, 338 p., 19,50 ¤.

La note de L'Express: 16/20

Publicité