Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Hédi Fried, fer de lance contre les néonazis suédois

A 94 ans, la rescapée d’Auschwitz s’inquiète de la progression de l’extrême droite qui a obtenu 17,6 % des voix aux élections législatives du 9 septembre.

Par  (Malmö (Suède), correspondante régionale)

Publié le 14 septembre 2018 à 14h20, modifié le 17 septembre 2018 à 06h22

Temps de Lecture 3 min.

Hédi Fried entre la ministre de la culture, Alice Bah Kuhnke, et la joueuse de handball Linnéa Claeson, le 25 août, à Stockholm.

Elle a 94 ans et elle est fatiguée. Pourtant, partout où les néonazis suédois défilent, la frêle nonagénaire se dresse sur leur passage. A Stockholm, quand le Mouvement de la résistance nordique (NMR) marche dans les rues de la capitale, le 25 août. A Ludvika, bastion des néonazis, dans la province de Dalécarlie, le 1er septembre.

Figure de proue de la lutte contre l’extrême droite en Suède, toujours en première ligne, Hédi Fried refuse de se laisser intimider. Le combat est trop important. Elle le sait mieux que quiconque, elle qui a survécu aux camps d’Auschwitz et de Bergen-Belsen.

« Je leur ai dit de rester fermes sur leurs positions, de ne pas lâcher ni faire de concessions, parce que c’est comme cela que les SD progressent. » Hédi Fried

Avant les élections législatives du 9 septembre, la psychologue d’origine roumaine a invité les leaders politiques du pays chez elle, pour boire le café et manger de la smörgåstårta – un pain-surprise au poisson et à la mayonnaise. Ils ont tous défilé dans son appartement stockholmois. « Je leur ai dit de rester fermes sur leurs positions, de ne pas lâcher ni faire de concessions, parce que c’est comme cela que les SD [Sverigedemokraterna, Démocrates de Suède, extrême droite] progressent. »

Mise en garde

Si le SD n’est pas parvenu à devenir la deuxième force politique du royaume à l’issue du scrutin, il a rassemblé 17,6 % des voix (contre 12,9 % en 2014), plongeant la Suède dans une période d’instabilité politique.

Hédi Fried avait mis en garde dès 2010, quand la formation nationaliste était entrée au Parlement, regrettant que ses militants soient vus comme « des cinglés » au lieu de reconnaître « le défi que ce parti pose pour la démocratie ».

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Les néonazis suédois privés de liberté d’expression ?

Dans les tribunes qu’elle signe régulièrement dans la presse suédoise, elle mentionne souvent l’Allemagne des années 1930 : le « glissement des normes dans la société », la « déshumanisation » de certains groupes, la « minimisation » des mouvements extrêmes, l’absence de solides alternatives… Son expérience rend le propos difficile à ignorer, dans une nation qui n’a pas connu la guerre depuis deux cents ans.

D’Auschwitz à Bergen-Belsen

Hédi Fried est née en 1924, à Sighet, dans le nord-ouest de la Roumanie, de parents juifs. Elle avait 6 ans, quand un maître d’école la fait se tenir bras en croix, « sale juive » dans sa robe souillée, au milieu de la cour d’école. Elle a une quinzaine d’années, quand le garçon qui lui plaît lui crache à la figure. Vingt ans, quand elle se retrouve parquée dans le ghetto juif de la ville, avec sa mère, son père et sa sœur.

Un mois plus tard, en mai 1944, tous montent dans un train, direction Auschwitz. A leur arrivée, les filles sont séparées de leurs parents, qu’elles ne reverront jamais. Elles y passent quelques mois, avant d’être envoyées à Hambourg, dans un camp de travail. Hédi Fried rend hommage aux prisonniers de guerre français, qui « partageaient avec nous le contenu des paquets envoyés par la Croix-Rouge et nous donnaient des nouvelles du front ».

En avril 1945, les deux sœurs sont transférées à Bergen-Belsen, où la jeune femme manque de succomber au typhus. A la Libération, des bus blancs de la Croix-Rouge les évacuent vers la Suède – un épisode important dans la mémoire collective du pays, comme une tentative de rédemption pour une nation qui porte avec mauvaise conscience le souvenir de sa politique de neutralité pendant la guerre.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés En Suède, l’inquiétant regain d’activité des néonazis

Ignorance des jeunes concernant la Shoah

Hédi Fried se marie avec Michael, lui aussi originaire de Sighet et survivant d’Auschwitz. Devenue psychologue, elle anime un centre pour les rescapés des camps à Stockholm.

Newsletter
« M Magazine »
Chaque dimanche, retrouvez le regard décalé de « M Le magazine du Monde » sur l’actualité.
S’inscrire

Mais son grand combat est celui de l’éducation. L’ignorance des jeunes concernant la Shoah la peine, comme si « on n’avait pas compris que ce qui s’est passé une fois peut se reproduire, encore plus facilement aujourd’hui, grâce à Internet ».

La militante se bat aussi pour l’interdiction des mouvements néonazis, régulièrement autorisés à manifester et qui ont même présenté des candidats aux dernières législatives. « Je comprends qu’on ait peur qu’ils disparaissent sous terre. Mais, aujourd’hui, ils grossissent en plein jour. Les criminaliser pourrait faire réfléchir ceux qui sont tentés de les rejoindre. » En attendant, la nonagénaire refuse de céder au pessimisme, parce que « perdre espoir est le pire qui puisse arriver. Cela mène à la passivité, et alors ils auront gagné. »

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.