[Mis à jour le 18 septembre] En Alsace, le site de Stocamine abrite 42 000 tonnes de déchets contenant de l’arsenic, de l’amiante ou encore du cyanure à 500 mètres sous Terre dans une mine de sel. Voués initialement à un confinement définitif, un rapport parlementaire préconise désormais leur extraction car ils présentent un risque considérable pour l'environnement et la population. 

"Les déchets doivent être extraits si cela est techniquement possible, afin de ne pas faire peser un risque grave sur l’environnement, mais également sur la population (…), sous réserve qu’un site de stockage présentant de meilleures conditions puisse accueillir ces déchets". Telle est la conclusion très attendue du rapport parlementaire publié ce mardi 18 septembre par Bruno Fuchs, député (apparenté Modem) du Haut-Rhin, Vincent Thiébault, député (LREM) du Bas-Rhin et Raphaël Schellenberger, député (LR) du Haut-Rhin. Il porte sur le centre de stockage alsacien Stocamine. Unique en France, il contient 42 000 tonnes de déchets ultimes, non recyclables et hautement toxiques.
Né dans les années 80 à Wittelsheim, ce projet devait assurer la reconversion du bassin d’emplois suite à la fermeture des Mines de potasse d’Alsace (MDPA). Ouvert en 1999, il n’a fonctionné que pendant près de quatre ans et a été stoppé après un incendie dans l’une des galeries. Depuis, ces déchets industriels contenant de l’arsenic, du mercure ou encore de l’amiante, enfouis à 500 mètres sous terre dans l’ancienne mine de potasse, sous la plus grande nappe phréatique d’Europe, attendent qu’on statue sur leur sort. Et cela fait déjà quinze ans.
Course contre la montre
En mars 2017, un arrêté préfectoral autorise leur confinement définitif pour une durée illimitée, avec l’aval du tout nouveau ministre de la Transition écologique et Solidaire, Nicolas Hulot. Mais, un an plus tard, revirement de situation. Celui-ci demande une étude de faisabilité pour un déstockage intégral des déchets. Une mission parlementaire a également été lancée.
"Nous sommes vraiment contents que le débat porte désormais à l’échelle nationale et que nos députés s’en mêlent, se réjouit Yann Flory, porte-parole du collectif Destocamine, opposé au confinement. C’est maintenant une course contre la montre qui se joue pour parvenir à extraire les déchets du fond de la mine et préserver la nappe phréatique." 
On va au carton
Stocamine fait depuis 2008 l’objet d’une liquidation. Après une étude réalisée par l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques), le précédent quinquennat a décidé de déstocker 95 % des déchets contenant du mercure. Ils seraient les plus polluants si un jour l’eau venait à s’infiltrer dans la mine. Au total, 2 270 tonnes de colis ont été extraits et acheminés en Allemagne où ils ont été enterrés dans une autre mine de sel. Un travail qui a duré quatre ans.
"C’est à ce moment-là qu’on s’est rendus compte que les parois de la mine avaient commencé à se refermer bien plus vite que prévu, témoigne Alain Rollet, liquidateur nommé par l’État. On était censés extraire 72 colis par jour, mais on était plutôt à une douzaine. Pour extraire les bons colis, il fallait déplacer d’autres déchets. Les durées d’intervention étaient limitées à 1h30 max en raison des fortes chaleurs. On a eu trois ruptures d’appareil respiratoire en raison de chutes de parement. On va au carton si on s’oriente vers un déstockage complet."
Outre les conditions de travail, ce spécialiste des mines évoque également des risques liés au transport de ces colis. "Là-dessous, j’ai 6 000 tonnes de trioxyde d’arsenic – l’équivalent de la mort aux rats. Si un camion se renverse et que cette substance se déverse sur la chaussée ou dans une rivière, nous risquons de tuer beaucoup de personnes." 
Risque de pollution bien réel
La mission d’information parlementaire, qui a réalisé 25 auditions et rencontré une cinquantaine de personnes au cours de l’été, est formelle. Elle recommande une extraction intégrale sous réserve que l’étude de faisabilité, menée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et dont les conclusions sont attendues à l’automne, l’estime techniquement possible.
En attendant, Alain Rollet continue d’exécuter l’arrêté préfectoral. Des appels d’offres vont être lancés pour réaliser le confinement de la mine à l’aide de bouchons de béton de 6 mètres de long. Un barrage pilote a également été construit. À terme, une douzaine d’entre eux seront installés pour éviter au maximum la contamination de la nappe phréatique d’Alsace.
Car là-dessus, un consensus semble émerger. Le risque de pollution de la nappe – tôt ou tard – est bien réel. "Ce que nous ne savons pas c’est la vitesse à laquelle l’eau contaminée va remonter, ni quel sera le niveau de pollution. Vis-à-vis des générations futures, ces inconnues nous poussent à soutenir la solution du déstockage, conclut Yann Flory, de Destocamine. Nous ne voulons pas servir de cobayes à un futur projet tel que celui de Bure (Meuse)." 
Concepcion Alvarez, @conce1

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