«La définition d’une doctrine progressiste est nécessaire». L’appel de 25 Marcheurs de la société civile

Osons le progrès
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Philippe Zaouati  -  DR
Les faits -

Ils sont une vingtaine de « marcheurs », ayant soutenu la candidature d’Emmanuel Macron en 2017, pour la plupart membres de La République en marche, certains y occupant des responsabilités (référents, animateurs de comités locaux). Aucun d’entre eux n’est élu. Issus de la société civile, ils ont décidé de créer un groupe de réflexion afin de commencer à bâtir ce corpus idéologique qui fait toujours défaut au parti majoritaire. Ce groupe sera présent sur Facebook (Osons le progrès) et sur Twitter (@OsonsP).

Redonner du sens au progrès

Le macronisme existe-t-il ? Le mouvement politique issu de la campagne présidentielle de 2017 a-t-il vocation à durer ? La soudaineté de l’éclosion d’En Marche et la dislocation des partis politiques traditionnels obligent à poser ces questions de façon urgente. Les difficultés actuelles de ces partis mettent à mal le pluralisme politique, nécessaire au renouvellement des idées et au consensus républicain, et accentuent le risque qu’un mouvement populiste s’empare du pouvoir.

L’intensité de ce risque dépend bien sûr de la réussite ou non de la politique menée par Emmanuel Macron, son gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale, mais elle dépend aussi de notre capacité collective à ancrer un mouvement dans la durée et à définir un socle, une doctrine, qui dépasse l’échéance d’un quinquennat.

Pour réussir ce dépassement, nous disposons d’une vision globale – celle proposée par Emmanuel Macron, qui s’est précisée au fil de la campagne et du début d’exercice du pouvoir – et d’un programme, mis au point pendant la présidentielle, combinaison d’un travail d’experts et de consultations citoyennes. Ces deux éléments forment une fondation solide, mais ne suffisent pas à définir un mouvement politique et à l’ancrer dans le temps.

Pourquoi nous avons besoin d’une doctrine progressiste

C’est à travers une vision du monde commune que les pensées et les ambitions citoyennes se forment et s’affinent. Ce sont ces grilles de lecture qui, une fois formulées, constituent un socle dont la jeunesse peut s’emparer afin qu’elles demeurent sans cesse pertinentes et modernes. Il est d’autant plus nécessaire de les définir que ces grandes lignes ont trop longtemps été accaparées parle clivage droite-gauche dont les électeurs se sont lassés jusqu’à délaisser le débat politique.

Si la distinction droite-gauche entrave le débat politique aujourd’hui, c’est qu’elle n’est plus systématiquement pertinente. Un nouveau clivage apparaît entre, d’une part, des approches diverses de fermeture et des tentations anti-libérales, et, d’autre part, une vision progressiste, soucieuse de notre rapport à l’environnement. Notre défi est donc de prendre en compte ce nouveau clivage et de définir finement ce qu’est le progressisme et d’en établir la doctrine, sans naïveté, en acceptant la nuance et la complexité des enjeux.

Que signifie être progressiste lorsqu’on aborde la question de la laïcité ou la question de l’immigration ? On voit se dessiner une opposition entre une vision favorable à une ouverture plus grande et mettant en avant l’humanisme, la lutte contre le racisme et l’islamophobie, et une vision qui mélange lutte frontalecontre l’islam radical et réduction de l’immigration. Quelle est la vision progressiste qui permet de dépasser ce clivage ?

Quelle est la place de l’écologie dans notre progressisme ? Ne doit-elle pas être un élément central, un projet de société, plutôt qu’une simple contrainte à prendre en compte au sein d’une politique économique centrée sur la croissance ?

«Ce corpus idéologique doit être une réponse à un monde qui perd ses repères et donne des signes préoccupants d’instabilité. Eviter le retour à une polarité droite-gauche artificielle en approfondissant au centre, par le développement d’une doctrine fondée sur le progrès, la fraternité entre les populations, la liberté et les valeurs fondamentales de l’Union européenne.»

Quelle doit être la place des territoires dans ce modèle de société ? Comment réconcilier les mondes public et privé dans la manière de développer les territoires et l’emploi ? En quoi le progressisme nous donne-t-il des clés pour construire un nouveau modèle en Europe ? Comment redéfinir le rôle de la solidarité nationale vis-à-vis des plus démunis qui ne soit pas un simple débat comptable ? Comment réinventer le rôle des corps intermédiaires dans notre vision progressiste et améliorer l’acceptation des décisions publiques ? Comment ancrer l’égalité homme-femme ? Enfin, comment aborder les grands sujets émergents qui n’ont pas encore été politisés, comme la société de la connaissance, l’intelligence artificielle ou l’éthique des grands algorithmes ?

Ce corpus idéologique progressiste doit être une réponse à un monde qui perd ses repères et donne des signes préoccupants d’instabilité. Eviter le retour à une polarité droite-gauche artificielle en approfondissant au centre, par le développement d’une doctrine fondée sur le progrès, la fraternité entre les populations, la liberté et les valeurs fondamentales qui ont notamment permis de fonder et développer l’Union européenne. Donner du sens à un progrès qui rompe avec les comportements destructeurs de la biosphère. Voilà notre ambition.

Le besoin d’un travail collectif

Citoyens, experts et personnalités issus des sphères publique et privée, nous souhaitons mettre notre réflexion en commun pour poser les bases de cette vision progressiste de la société. Nous voulons introduire le temps long dans cette démarche. Notre ambition est de publier d’ici dix-huit mois un ouvrage collectif. Explorer les futurs, proposer les meilleures options possibles, celles qui concourent à l’amélioration du bien-être durable de nos concitoyens. C’est avant tout une aventure intellectuelle, politique, civique exaltante.

Johan Beaufreton, Fanta Berete, Luc Boisnard, Renaud Charles, Pierre-Marie Debreuille, Esther Delbourg, Bernard Descreux, Hervé Guez, Quentin Gisserot, Christine Jagueneau, Christine Lacoste, Adrien Lavayssière, Bettina Laville, Frédéric Lenoir, Olivier Millet, Philippe Mudry, Jean-Claude Moyal, Agnès Pannier-Rucher, Jean-François Rial, Ladislas Smia, Dominique de Souza Pinto, Sylvain Vanston, Corinne Versini, Philippe Zaouati, Audrey Zermati

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