Marchands de sommeil : "Le mètre carré du pauvre est très cher"

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Marchands de sommeil : "Le mètre carré du pauvre est très cher"

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On estime qu'il existe 4% de résidences principales indignes même si le phénomène est difficilement quantifiable.
On estime qu'il existe 4% de résidences principales indignes même si le phénomène est difficilement quantifiable.
© AFP - VALERY HACHE

Anne-Claire Davy, sociologue de l'IAU a mené une enquête sur l'habitat indigne en Ile-de-France. Elle analyse pour France inter ce phénomène des marchands de sommeil et des personnes qui en sont victimes.

La chercheuse est sur le point de rendre publique une étude intitulée : "L’habitat indigne en Ile-de-France : enjeux et politiques en 2018",  réalisée par la DRIHL-IDF (direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement) et l’IAU (institut d’aménagement et d’urbanisme d'Ile de France). 

Comment identifier et quantifier l'habitat indigne ?

Anne-Claire Davy : "On ne peut pas tout à fait les quantifier. On sait qu'il y a environ 4 % de résidences principales indignes mais avec un indicateur à gros traits. En revanche, on peut déterminer les processus et les types de personnes qui s'engagent dans cette forme d'économie très rentable et les territoires où ils sont surreprésentés. Dans les grandes copropriétés, avec les plus emblématiques celles de Grigny ou du Chêne Pointu, il y a eu une accélération de la dégradation avec l'arrivée de bailleurs spéculatifs professionnels. Ces logements peuvent être même assez loin en Ile-de-France."

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Qui sont les victimes de ces marchands de sommeil ? 

A-C. Davy : "C'est un public captif. Il y a évidemment toute la population des migrants primo-arrivants, sans papier. Il y a les salariés modestes... Mais en général c'est cumulatif, il peut y avoir à la fois des problèmes d'addiction, d’accès aux administrations, à la langue, de rupture familiale.

Dans l'habitat privé de "faible qualité", on trouve d'autres publics, des personnes pour qui le problème principal est le coût élevé du logement."

Et ces marchands de sommeil, qui sont-ils ?

A-C. Davy : "Dans les cas dont j'ai entendu parler, il y a à la fois des professionnels de l'immobilier, des notaires parfois, des agents immobiliers, des notables locaux, un haut fonctionnaire...

Il y a aussi les filières communautaires avec des propriétaires d'origine étrangères qui organisent aussi la venue de leur compatriotes.

Mais il y a aussi un profil à mi-chemin, le monsieur qui possède plusieurs appartements, qui se rend compte de la rentabilité et qui s'installe dans une forme de rentabilité, en gérant son bien de manière optimale.

Ils ont des profils et des pratiques différentes. Il y a ceux qui sont très armés en droit immobilier, qui connaissent parfaitement tous ses rouages, souvent récidivistes et qui ont plusieurs biens.

Il n'y a pas de définition pénale du marchand de sommeil. La notion est parlante et il existe des situations inacceptables, avec des gens qui louent des matelas dans le chaufferie, mais il y a aussi des situations liées à la pression du marché et à la rationalité économique. Le mètre carré du pauvre est très cher."

La loi ELAN va-t-elle dans le bon sens ?

A-C. Davy : "Oui, elle va dans le bon sens mais on ne peut pas en attendre une éradication importante et claire de ce processus qui est systémique et qui tire parti d'un manque d'offre de logements pour les plus pauvres."

Le reportage de Mathilde Dehimi à la Courneuve :

E Marchands de Sommeil ELAN

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