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IRAN

Ferrari et tigres domestiques : la jeunesse dorée iranienne exaspère en pleine crise économique

Des photos montrent le mode de vie tape-à-l'œil de certains enfants d'officiels iraniens surnommés "aghazadeh" ou "nobles".
Des photos montrent le mode de vie tape-à-l'œil de certains enfants d'officiels iraniens surnommés "aghazadeh" ou "nobles".
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Des selfies avec un tigre domestique, une Ferrari ou un sac à main à 3 200 euros, voilà ce que vous pourrez voir sur les profils Instagram des enfants de l’élite politique iranienne. Ces images suscitent, notamment ces dernières semaines, la polémique en Iran, alors que la monnaie nationale a perdu 70 % de sa valeur en un an et que les prix s’envolent.

Avec la crise économique, le nombre de manifestations augmente et les tensions sociales s’accroissent en Iran depuis le mois de janvier. Alors que des faits de corruption concernant des membres des gouvernements actuels et passés ont été dévoilés, les dépenses folles des enfants de responsables politiques ne font qu’ajouter de l’huile sur le feu dans une république fondée sur un mélange de valeurs islamiques et d’extrême gauche.

"En 1979, la révolution islamique iranienne était basée sur des valeurs égalitaires", estime Hossein Ghazian, sociologue et sondeur iranien résidant aux États-Unis. "Les révolutionnaires étaient censés être pauvres. Être comme 'les gens ordinaires' était une valeur en soi. Mais le monde a changé, et il a changé aussi pour la génération de la révolution et leurs enfants."

Quarante ans plus tard, les enfants et petits-enfants des révolutionnaires ont des comptes Instagram et Facebook. Nombreux sont ceux à n’avoir aucunement honte de poster des photos et vidéos de leurs voyages à l’étranger et des choses hors de prix qu’ils possèdent.

"Ce genre d’images a un impact profond sur la société iranienne", poursuit Hossein Ghazian. "Elles créent une colère cachée, mais profonde, au sein de la société, une colère qui remonte à la surface sous forme de violence. On en a vu un exemple avec les manifestations de fin 2017, début 2018."

>> LIRE SUR LES OBSERVATEURS : Iran : "Ce sont les pauvres et les humiliés qui manifestent, pas comme en 2009"

Les Iraniens utilisent le terme "aghazadeh", ou "noble", pour décrire les enfants d’officiels puissants, riches simplement grâce à la position de leurs parents au sein du gouvernement. Le terme est devenu populaire sur les réseaux sociaux.

"Comment se fait-il qu'un Iranien importe une Rolls Royce pendant cette crise financière ?", écrivait un internaute sur Twitter le 3 août. "Quel aghazadeh a payé pour ça ?", poursuit-il.

Le fils du général : "C'est impossible d'être aussi riche à 25 ans"

Le dernier "aghazadeh" à avoir fait polémique est Rasoul Tolouei, fils de Saeed Tolouei, général des Gardiens de la révolution à la retraite et ancien maire conservateur de deux districts de Téhéran.

Un clerc conservateur très suivi sur Instagram a publié le 31 août dernier des photos du général et de son fils, ce dernier posant avec un tigre domestique, conduisant une Cadillac et donnant une somptueuse fête en l’honneur de sa fille de deux ans. "C’est impossible pour un jeune homme de 25 ans de s’enrichir ainsi", a commenté le clerc, Mahdi Sadrossadati.

Le clerc conservateur Mahdi Sadrossadati a posté le 31 août des photos selon lui extraites du compte Instagram de Rasoul Tolouei, fils du général à la retraite des Gardiens de la révolution.

Selon le clerc, les images seraient extraites de deux comptes Instagram administrés par Rasoul Tolouei, un à son nom et l’autre au nom de sa fille. Les comptes ont depuis été désactivés.

Le général Tolouei a porté plainte contre le clerc pour diffamation et a publié une lettre ouverte dans les medias iraniens. Il a expliqué désormais travailler comme... dentiste (plusieurs hauts responsables des Gardiens de la révolution ont des diplômes de divers métiers) et gagner 70 millions de tomans par semaine, soit 4 500 euros, et qu’il était donc normal que sa famille possède de luxueuses voitures. Il a ajouté que le tigre appartenait à un ami de la famille.

Sur Internet, de nombreux Iraniens n’ont pas été convaincus. "Les mecs, ne critiquez pas le général Tolouei ! C’est juste qu’il pense que l’Iran lui appartient", a écrit ironiquement un internaute sur Twitter.

 

Le fils de l'ambassadeur : bikinis, yachts et insultes

Sasha Sobhani, le fils de l’ancien ambassadeur d’Iran au Venezuela, fait aussi parler de lui. Il tient une page Instagram où des photos le montrent aux côtés de femmes en bikini à Dubaï, dans les îles grecques ou sur un yacht en Turquie, et en première classe dans un avion. Dans une vidéo, il nargue les Iraniens moins chanceux : "Les gens qui n’ont pas travaillé pour être aussi riche que moi sont juste jaloux".

Dans cette vidéo datée du 11 septembre sur Instagram, Sasha Sobhani insulte une présentatrice télé qui a critiqué son mode de vie, en sortant d’un luxueux 4x4 avant d’entrer dans une Ferrari.

Cette vidéo publiée sur Twitter le 20 août 2018 montre une diffusion en direct sur Instagram dans laquelle Sasha Sobhani s’est filmé aux côtés d’une femme nue dans son lit. Les images ont choqué beaucoup d’Iraniens, qui ont estimé que ce comportement était indigne d’un fils de diplomate.

Le compte Instagram de Sasha Sobhani compte plus de 250 000 abonnés, la plupart semblant le détester.

Voici des exemples de commentaires publiés sous ses photos ou vidéos : "Profite bien de ta vie en utilisant l’argent des autres jusqu’à ce que tu vomisses tout. Tu es pathétique", "tu es le plus grand bâtard sur la planète".

Ce que Sasha Sobhani fait dans la vie n’est pas clair, mais des clips promotionnels pour un jeu de paris en ligne sont publiés sur sa page.

Dans cette vidéo, Sasha Sobhani brandit des liasses de billets et fait l’éloge d’un site de paris en ligne.

Les sacs à main de la famille Khomeini

Alors que l’ayatollah Khomeini, fondateur de la République islamique, était connu pour son mode de vie austère, ses petites-filles et arrière-petites-filles ont une toute autre réputation : leur goût pour les sacs de créateurs.

Cet internaute critique sur Twitter Atefeh Eshraghi, une arrière-petite-fille de l’ayatollah Khomeini résidant au Royaume-Uni, parce qu’elle tient un sac ressemblant à une création Dolce & Gabbana. "La famille du ‘leader des pauvres du monde’ – l’arrière-petite-fille de Khomeini avec un sac à 3 800 dollars", écrit-il.

Cette publication Twitter affirme que la petite fille de Zahra Eshraghi possède un sac Burberry à 1 590 dollars (environ 1 360 euros).

La famille Khomeini a expliqué dans le passé que les sacs à main des femmes étaient des contrefaçons bon marché. La rédaction des Observateurs de France 24 a tenté de contacter cette famille et tous les enfants d’officiels mentionnés dans cet article, sans succès. Nous publierons leurs réponses si elles nous parviennent.

“Le système est corrompu”

Sajad, un ingénieur en informatique de 30 ans, raconte que lui et ses amis se sont habitués à ce genre d’images.

 

Quand j’ai vu ce genre de photos pour la première fois, je me suis mis en colère. Mais ça ne m’énerve plus vraiment maintenant. Ils font juste ce que tous les Iraniens font : publier sur internet des photos de leur vie quotidienne. Ils n’en ont même rien à faire de l’origine de l’argent. La plupart tenait des pages publiques avant toutes ces révélations dans les médias.

Si j’étais à leur place, je ferais probablement la même chose. Ce qui est le plus effrayant, c’est que le système est si corrompu que personne ne peut rien y faire. Mes amis et moi avons perdu espoir. Notre colère a fait place à la déception. Certains ont la chance de pouvoir grimper l’échelle sociale. Nous non.

Sur Twitter, cet internaute dit que Sasha Sobhani est un “frimeur qui nous méprise", comme d’autres enfants de l’élite iranienne : "Les aghazadeh, ils pensent que l’Iran leur appartient et que nous sommes leurs esclaves. Le problème n’est pas qu’ils pensent ainsi, mais que nous restons silencieux. Nous devrions préférer la mort au fait de vivre dans cette cruauté et les laisse nous humilier ainsi".

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