C’est un coup de théâtre pour les deux camps, qui revendiquaient chacun la victoire, mais aussi pour l’opinion publique russe dans son ensemble. Le 19 septembre, la Commission électorale centrale de Russie a demandé à la commission électorale régionale du Primorié (Extrême-Orient russe) d’invalider les résultats du second tour de l’élection du gouverneur. Le lendemain, la commission régionale s’est exécutée.

À l’issue de ce scrutin, qui s’est tenu le 16 septembre, le gouverneur par intérim Andreï Tarassenko, nommé en 2017 par Vladimir Poutine après la démission du leader régional en titre, a battu le candidat communiste Andreï Ichtchenko avec 1,49 % de voix d’avance. Comme le rapporte le quotidien Kommersant, ce dernier était en tête du scrutin jusqu’au dépouillement de 95 % des bulletins. Au stade de 99 %, le gouverneur sortant l’a soudain devancé de plus de 2 000 voix, pour finalement sortir vainqueur. Dès le lendemain, les partisans du candidat communiste protestaient contre ce résultat en manifestant près du siège de l’administration régionale à Vladivostok.

La recommandation de la Commission électorale centrale a été immédiatement soutenue au niveau fédéral – par le Kremlin et par le parti Russie unie –, comme pour montrer que la décision avait été prise au plus haut niveau, analyse Kommersant. Mais la présidente de la Commission, Ella Panfilova, figure respectée dans le pays (et qui a pleuré de dépit face aux fraudes), a affirmé qu’elle l’avait prise de son propre chef : “Je n’ai pas vécu toute cette vie difficile pour devenir un pion dans les mains de qui que ce soit.”

Un troisième tour en décembre

Selon les conclusions de la Commission, des falsifications ont été commises au profit des deux candidats, ce qui justifie l’annulation du scrutin et l’organisation de nouvelles élections – probablement début décembre.

Le parti communiste a, dans un premier temps, déclaré qu’il refusait un “troisième tour”, estimant que la recommandation de la Commission était “une décision politique” et que la victoire devait revenir à son candidat. Mais il a finalement obtempéré. En effet, “désigner précisément le vainqueur aurait été impossible, estime un politologue interrogé par Kommersant. Et il aurait quoi qu’il en soit hérité d’une légitimité entachée”.

Les temps changent

Quant au candidat du Kremlin, il a annoncé qu’il se retirait de la course et qu’il quittait même ses fonctions de gouverneur par intérim. Il devra donc être remplacé à ces deux postes.

En attendant, les citoyens russes ont de quoi se rassurer, estime l’éditorialiste du tabloïd Moskovski Komsomolets, Mikhaïl Rostovski :

L’invalidation des résultats du scrutin du Primorié ne rendra pas nos hommes politiques plus honnêtes. Mais elle leur fera comprendre que les temps changent et que ce qui était encouragé hier peut faire aujourd’hui l’objet d’un carton rouge.”