Décryptage

Autriche: les idées d'extrême droite continuent de percer dans le gouvernement

Alors que le chancelier, Sebastian Kurz, s'est réjoui mercredi soir de voir d'autres pays européens suivre sa politique antimigrants, retour sur les différentes mesures prises par le dirigeant depuis son entrée en fonction.

publié le 20 septembre 2018 à 21h40
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Protection des frontières et coopération avec les pays africains : en marge du sommet européen de Salzbourg mercredi soir, l'hôte des Vingt-Huit, le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, se vantait devant la presse d'avoir imposé en Europe ses positions en matière de migration. Des positions «qui étaient encore perçues comme de droite radicale il y a trois ans». Depuis décembre, le jeune chancelier conservateur gouverne la coalition avec le FPÖ et, dans bien des domaines, il a bel et bien laissé ce parti d'extrême droite fondé par des ex-nazis imprimer sa marque à l'Autriche. Petit passage en revue des mesures les plus emblématiques.

Les jeunes en apprentissage pourront être expulsés

En Autriche, la population s’émouvait parfois de l’expulsion de jeunes en cours d’apprentissage, lorsque leur demande d’asile était refusée, parfois après des années de procédure. Certains avançaient que ces jeunes étaient déjà intégrés à la société autrichienne… d’autres que les entreprises avaient besoin d’eux. Le gouvernement a réglé la question, la semaine dernière, en décidant que l’apprentissage serait dorénavant, tout bonnement, fermé aux jeunes demandeurs d’asile. Jusqu’à présent, ils pouvaient commencer une formation en alternance, à condition que le métier choisi soit l’un de ceux pour lesquels les entreprises locales manquent de main-d’œuvre. Avec le FPÖ (le Parti de la liberté) désormais au gouvernement, Vienne revient sur cette disposition négociée, en 2012, par les sociaux-démocrates et les conservateurs. Les derniers apprentis pourront, dès à présent, être expulsés.

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Le temps est venu de mener une «politique d'expulsion conséquente», a ainsi déclaré le ministre de l'Intérieur, Herbert Kickl. Son collègue au FPÖ et vice-gouverneur de la Haute-Autriche, Manfred Haimbuchner, estime qu'il faut éviter l'«appel d'air». Comprendre : rendre l'Autriche moins attractive pour les exilés du monde entier. Pour limiter cette attractivité présumée, Vienne mène donc une politique répressive et revient sur des mesures facilitant l'intégration des nouveaux venus. Ainsi, l'«année d'intégration», qui ouvrait à certains réfugiés des cours d'allemand et des modules de préparation au marché du travail, disparaîtra en 2019.

Par ailleurs, le Parlement autrichien a adopté en juillet une loi facilitant l’expulsion de mineurs ayant commis des délits. Ce même texte introduit par ailleurs une nouvelle mesure «repoussoir» : la saisie des téléphones portables et de l’argent liquide des demandeurs d’asile est désormais autorisée, à leur arrivée en Autriche. Enfin, le ministère de l’Intérieur a annoncé commencer à contrôler d’anciennes décisions d’asile, afin de revenir éventuellement sur une protection accordée par le passé, à des Afghans en particulier. Là aussi, des expulsions du territoire sont à la clé.

Les aides à domicile étrangères sur la sellette

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Les migrants européens ne sont pas les bienvenus non plus. Cet été, 30% des 65 000 aides à domicile, qui s’occupent du troisième âge autrichien, ont déclaré qu’ils songeaient à plier bagage. Ce sont principalement des femmes, citoyennes de pays européens de l’Est. Une enquête menée par l’association «Vieillir dans la dignité», basée à Bratislava, met en cause un projet de réforme des conditions liées aux allocations auxquelles elles ont droit. Le gouvernement de Sebastian Kurz prévoit en effet d’indexer le montant de leurs allocations familiales autrichiennes au niveau de vie de leur pays d’origine, là où vivent leurs enfants. Une mesure qui équivaut à une baisse notable de revenu pour la plupart de ces aides à domicile. La Commission européenne examine actuellement ce projet de loi qui doit être présenté au Parlement autrichien à l’automne.

Un autre plan du gouvernement fait lui aussi l’objet d’interrogations quant à sa conformité avec le droit communautaire : dévoilées en mai, de nouvelles règles d’attribution du minimum social – équivalent du RSA français –, prévoient que tous les étrangers en soient exclus pendant les cinq premières années de leur séjour en Autriche. Il leur faudra à l’issue de cette période parler l’allemand à un bon niveau, sous peine de n’en recevoir qu’une partie, le maximum de ce RSA version autrichien étant de 563 euros par mois.

Du ménage dans les services de renseignements

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Au-delà de la politique migratoire, l’extrême droite a aussi posé sa marque, lors d’un coup fracassant, sur les services de renseignements du pays. Une commission d’enquête parlementaire tente actuellement de faire la lumière sur ce qu’il s’est passé en mars dernier. On sait déjà que, lors de perquisitions menées à la direction de la sécurité intérieure (BVT), une unité de police, commandée par un cadre du FPÖ, a saisi des documents concernant la lutte contre l’extrémisme de droite. Selon des enquêtes de presse, le ministre de l’Intérieur et haut dirigeant du FPÖ, Herbert Kickl aurait voulu faire le ménage au sein du renseignement. Ces dernières semaines, les premiers témoignages devant les parlementaires ont révélé que les services secrets autrichiens ont, depuis, perdu en crédibilité à l’international.

Des médias sous pression

Mis en difficulté par le scandale du BVT, le ministre de l’Intérieur a contre-attaqué, fin juin, en menant, à la télévision, une charge contre les médias. Il a fait planer une menace de poursuites judiciaires envers les journalistes impliqués dans ces révélations. Les rédacteurs en chef de cinq journaux, de gauche comme de droite, lançaient alors un cri d’alarme coordonné. Les propos du ministre de l’Intérieur les faisaient craindre pour la liberté de la presse dans leur pays.