Charlotte Bienaimé : “Dépatriarcaliser les religions est un combat difficile”

Pour “Un podcast à soi”, rendez-vous mensuel d’Arte Radio, la productrice Charlotte Bienaimé a rencontré des femmes qui concilient leur foi et leur féminisme. Et s’évertuent, pour certaines, à faire bouger des institutions empreintes de misogynie. Des témoignages passionnants.

Par Carole Lefrançois

Publié le 21 septembre 2018 à 13h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h16

Le féminisme est-il compatible avec la religion ? Que ce soit la Bible, le Coran ou la Torah, tous les textes sans exception stigmatisent la femme. L’apôtre Paul, au Ier siècle après Jésus-Christ, souhaitait « qu’elles soient soumises, comme le dit aussi la loi. Si elles veulent apprendre quelque chose, qu’elles interrogent leur mari à la maison ; car il est choquant qu’une femme parle dans l’Eglise ». La prière du matin des juifs religieux est aussi sans appel : « Béni soit Dieu qui ne m’a pas fait naître femme », tout comme l’une des cent quatorze sourates du Coran : « Celles de qui vous craignez l’insoumission, faites-leur la morale, désertez leur couche, corrigez-les. » Sur Arte Radio, les femmes contre-attaquent dans Un podcast à soi, pour livrer une réinterprétation féministe des textes sacrés écrits par et pour les hommes. Le point de vue de la productrice Charlotte Bienaimé.

Peut-on être féministe et vivre sa foi ?
Les religions monothéistes ont été, et sont toujours, un des moyens les plus puissants pour asseoir la domination masculine. Je suis féministe et athée, mais je me suis rendu compte que j’avais beaucoup plus de points communs avec les féministes croyantes que je ne l’imaginais. Elles luttent au sein de l’institution. Il est important de les écouter, de décentrer le regard, de sortir d’une vision uniforme du féminisme. Après, on peut débattre des voies pour y arriver, des stratégies, des différences de points de vue éthiques, philosophiques, politiques… Encore faut-il commencer par s’écouter réellement.

Les femmes sont nombreuses à tourner le dos à une religion misogyne, de plus en plus se font débaptiser…
Une féministe croyante m’a dit un jour une phrase qui m’a beaucoup marquée : « Ils ne vont pas nous confisquer ça aussi. » Certes beaucoup deviennent athées, ou alors gardent la foi mais hors de l’institution. Il m’a semblé intéressant d’entendre aussi les voix de celles qui croient en un changement de l’intérieur. J’ai relayé leurs combats importants dans d’autres émissions et je continuerai de le faire.

“Les femmes doivent revendiquer le droit d’être prêtre, rabbin ou imam… Mais aussi parler de Dieu au féminin.”

Comment « dépatriarcaliser » les religions ?
C’est un combat difficile. Les femmes doivent prendre leur place au sein des institutions, revendiquer le droit d’être prêtre, rabbin ou imam, de lire les prières, de s’asseoir où bon leur sem­ble dans les lieux de culte… Mais aussi parler de Dieu au féminin, remplacer l’image du vieil homme blanc barbu par un être asexué, utiliser l’écriture inclusive dans les prières… Les choses bougent, mais lentement, car leurs voix sont encore minoritaires. C’est le cas pour toutes les voix féministes d’ailleurs. Les révolutions n’ont jamais été lancées par les pouvoirs dominants et majoritaires.

on aime passionnément Un podcast à soi, sur Arte Radio. 59 mn.

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