
S’en aller le premier jour de l’automne, là où l’on a grandi ; jolie date, joli lieu pour des adieux. Ciel nuageux, température douce : en ce 22 septembre, le temps est à l’entre-deux au Flushing Meadows-Corona Park, dans le quartier du Queens, à New York. Certains platanes tirent sur l’orange, d’autres s’accrochent encore au vert estival ; dans les allées, la foule oscille pareillement entre les âges. Pour un tiers des spectateurs au moins, le tout dernier concert de Paul Simon est aussi le premier. Car le musicien de 76 ans, longtemps rangé dans les rayonnages du « rock à papa », rencontre les suffrages d’une frange croissante de la jeunesse – à l’instar du sénateur Bernie Sanders, dont il est proche.
Alors, quand le maire de New York, Bill de Blasio, un démocrate plus modéré, s’empare du micro pour ouvrir les festivités, des huées s’élèvent dans le crépuscule. Elles retombent aussitôt que le héros du soir monte sur scène, blouson noir, chemise rouge, cheveux blancs, yeux embués. « Je suis parti chercher l’Amérique », fait la première chanson, America. Le public, qui les connaît par cœur, aide l’idole hésitante à retrouver les paroles. A la parution du morceau, en 1968, Simon les chantait avec Art Garfunkel. Ce soir, il n’aura pas un mot pour son ex-condisciple – il faudrait des pages pour retracer les accrochages et rabibochages du duo. D’autres souvenirs, moins amers, affleurent : « Ado, je jouais au base-ball à trois kilomètres d’ici, raconte-t-il à la foule, gorge serrée, comme un aïeul à ses enfants. J’avais 13 ans quand mon père m’a offert une guitare, il était musicien, m’a appris mes premiers accords… C’était à vingt-cinq minutes à vélo, par là-bas. »
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