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Egalité: 20 000 personnes à Berne, la dernière manifestation avant la grève

Des femmes et des hommes venus de toute la Suisse ont défilé à Berne pour exiger l’égalité des salaires dans une loi qui sera soumise au Conseil national le 24 septembre prochain

La manifestation du 22 septembre a réuni quelque 20 000 personnes. — © Keystone / PETER SCHNEIDER
La manifestation du 22 septembre a réuni quelque 20 000 personnes. — © Keystone / PETER SCHNEIDER

Face aux inégalités salariales, la rue s’est réveillée ce samedi à Berne. Quelque 20 000 personnes venues de toute la Suisse ont défilé dans le centre-ville avant de rejoindre la place Fédérale. Deux jours avant le débat du Conseil national, elles ont envoyé un signal fort au monde politique. Elles ont crié leur ras-le-bol: «Enough, c’est assez!»

Des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes, des enfants, des Blancs, des Noirs: c’est un cortège interminable qui s’est mis en marche dès 14h15, emmené par la présidente du syndicat Unia, Vania Alleva, et par la conseillère nationale Barbara Gysi, candidate à la présidence de l’Union syndicale suisse (USS).

La colère des femmes

L’atmosphère est toujours restée bon enfant, mais le ton était à la colère. Au-delà des ballons couleur lilas, de nombreux sifflets s’adressaient à une classe politique incapable de réaliser l’égalité, même trente-sept ans après que son principe a été ancré dans la Constitution. «On nous prend pour des connes», résumait un calicot. «Chaque douzième jour, nous travaillons gratuitement», affirmait un autre.

Toutes les générations se sont retrouvées à Berne. En ce 22 septembre, on a peut-être assisté au passage de témoin des femmes qui ont participé à la grève de 1991 à leurs enfants. Les aînées l’avouent: jamais elles n’auraient imaginé qu’une inégalité salariale d’environ 20% puisse subsister quatre décennies après une votation populaire. Marie (61 ans), une correctrice venue de Genève, s’exclame: «Le travail gratuit, ça suffit!» Elle ne pense pas ici qu’aux inégalités de salaires sur le lieu de travail, mais aussi aux tâches domestiques et au travail des «proches aidants», le plus souvent assumé par les femmes.

A lire: Salaires: l’écart entre les femmes et les hommes reste en partie inexpliqué

Une chose frappe lors de toute la manifestation. L’exaspération des femmes ne concerne pas que le salaire, mais toutes les discriminations dont elles sont victimes dans la société. Le mouvement #MeToo est passé par là. Ainsi Sara (24 ans), de La Chaux-de-Fonds, dénonce-t-elle aussi le harcèlement de rue, l’image dégradante de la femme dans la publicité et la situation des femmes migrantes. «Nous devons mener ce combat au quotidien, sur le lieu de travail comme dans la rue.»

Les hommes solidaires

Et les hommes, dans tout cela? Eh bien, ils ont répondu présent. En légère minorité peut-être, mais formant tout de même environ 40% des manifestants. Croisé sur la place Fédérale avec son épouse et sa fille de 18 mois, le député PDC au Grand Conseil vaudois Axel Marion a voulu témoigner sa solidarité avec les femmes dans ce combat qu’il considère comme «sociétal». «Pour beaucoup d’hommes aussi, les inégalités salariales sont inconcevables aujourd’hui. La forte présence des hommes a certainement contribué au succès de la manifestation.» Eux aussi réclament leur part d’égalité à travers un projet de congé parental qui oscillera peut-être entre deux et quatre semaines selon le résultat d’une initiative populaire.

Dans l’immédiat, reste à savoir si ce succès sera transformé lundi prochain au Conseil national, qui se penche sur un projet de loi sur l’égalité déjà réduit à une version minimaliste. Toutes les entreprises de 100 collaborateurs au moins devront analyser leur politique salariale tous les quatre ans et en informer leur personnel. «Ce projet est scandaleux», s’étouffe Lara (26 ans), une stagiaire lausannoise. «Il ne concerne qu’une minorité de travailleurs, alors qu’il devrait les toucher tous et toutes. De plus, il ne prévoit aucune sanction, ce qui constitue une grave lacune.»

«Un momentum de l’égalité»

C’est dire que, quelle que soit l’issue du débat parlementaire, les femmes comptent bien continuer à exprimer leur colère. Elles prévoient de faire grève le 14 juin prochain. Une grève qu’elles veulent «globale»: sur les lieux de travail et à la maison, adaptée aux possibilités de chacune dans le but de «déranger au lieu de ranger». «Elle ne sera pas dirigée contre les hommes, mais contre un système patriarcal qui a fait son temps», annoncent les collectifs féministes qui la préparent. Ce qui fait dire à Valérie Borioli Sandoz, membre de la direction du syndicat Travail. Suisse, très impliqué dans l’organisation de cette manifestation à Berne: «Notre pays vit actuellement un véritable «momentum» de l’égalité, qui devrait déployer ses effets aux prochaines élections fédérales de 2019.»