LETTRE DE SAO PAULO
Pedro Paulo Chaves Mattos, 32 ans, n’est pas un policier tout à fait comme les autres. A Natal, capitale de l’Etat de Rio Grande do Norte, au Brésil, où l’on recense un meurtre toutes les quatre heures, les « flics », civils et militaires, sont réputés pour leurs méthodes brutales, leurs bavures (139 personnes sont tombées sous les balles de policiers en 2017), leur défense appuyée de l’ordre et une certaine inclination pour les idées du candidat d’extrême droite à la présidence de la République, le militaire Jair Bolsonaro. Pedro Paulo Chaves Mattos, lui, est un révolutionnaire. « Mes collègues m’appellent le “Che” », plaisante-t-il.
Entré dans la police en 2012, par « romantisme » et « idéalisme », le trentenaire, formé en histoire, n’a pas tardé à se sentir mal à l’aise dans son commissariat.
« Au Brésil, on a cette idée que le policier n’est pas un fonctionnaire au service des citoyens mais un super-héros. Un homme au-dessus des lois », explique-t-il. « On est déshumanisé. On nous apprend à être réactif et à ne pas contester. Surtout pas à réfléchir ! », complète son confrère Dalchem Viana do Nascimento Ferreira, pompier.
Guerre sans merci
Confrontés à un climat d’insécurité chaque année plus meurtrier, Pedro Paulo et Dalchem ont assisté, atterrés, à la réponse offerte par les forces de l’ordre : une guerre sans merci livrée aux membres des gangs de la drogue et aux petits voyous.
Une riposte inefficace (63 880 homicides ont été recensés en 2017 dans le pays selon l’annuaire brésilien de sécurité publique). Mais peu importe. Pour imposer le respect, le policier doit faire peur. A Natal comme ailleurs, la population tétanisée par ses morts flirte avec l’idée de plus en plus répandue qu’« un bon bandit est un bandit mort ».
Au sein des services policiers, la devise se traduit par des déviances. « Quand un malfrat se rend, il est tué », raconte Dalchem, le pompier. Quand un habitant des favelas résiste, il est bousculé. « Les policiers militaires apprennent à obéir. Quand quelqu’un n’obtempère pas, ils ne comprennent pas », souffle-t-il. Ajoutant : « J’ai honte de ma profession. »
A l’approche du scrutin électoral, dont le premier tour est attendu le 7 octobre, Pedro Paulo frise l’écœurement. « Jusqu’ici on se plaignait de la violence de la police. Aujourd’hui, il s’agit de haine », estime-t-il. « Entre 85 % et 90 % des policiers militaires ont de la sympathie pour Bolsonaro, qui valorise l’uniforme et renforce en eux cette idée que le policier, “figure du bien face au mal”, a tous les droits. La police au Brésil est fasciste. Avec Bolsonaro, elle montre son vrai visage », dit-il.
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