Tribune

Pour la sauvegarde immédiate de l'océan Austral

Alors qu'Emmanuel Macron s'apprête à présider le sommet du G7, son engagement pour la sauvegarde de l'océan Austral viendrait prouver que tous peuvent se mettre d'accord quand il s'agit de la survie de la planète.
par Pascal Lamy, ancien Directeur général de l’OMC, président émérite de l’Institut Jacques Delors et Geneviève Pons, ancienne Directrice de WWF EU, directrice du bureau de l’institut Jacques Delors Bruxelles
publié le 21 septembre 2018 à 12h01
(mis à jour le 25 septembre 2018 à 18h42)

Il y a plus de six décennies, le Commandant Cousteau nous faisait découvrir l’incroyable richesse de la vie marine et la nécessité de la sauvegarder. Aujourd’hui, les mêmes écosystèmes font face à des menaces existentielles telles que le changement climatique ou la surpêche. Protéger les océans : dans les semaines qui viennent, c’est précisément ce qu’Emmanuel Macron peut faire en obtenant la création d’une gigantesque réserve marine, à l’est de l’Antarctique.

En 2011, la France, l’Australie et l’Union européenne ont proposé de protéger une importante région de l’océan Austral. Dans un mois, les 25 Etats membres de la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR) se réuniront pour faire avancer ce projet. L’année dernière, seules la Chine et la Russie se sont opposées à des mesures de protection. Mais l’Assemblée générale de l’ONU offre cette semaine l’occasion à la France et à l’Europe d’affirmer leur rôle de leader sur la question.

Pourquoi faut-il protéger l’océan Austral ? L’Antarctique est un continent désertique recouvert de glace et de neige. Sa glace contient 70% des réserves d’eau douce de la planète et des eaux pleines de vie entourent cette masse. Des algues et des crustacés microscopiques, le «krill», servent de nourriture à tout un écosystème: coraux, crabes, baleines, phoques et manchots. Des millions de manchots dépendent de ces formes de vie marine pour nourrir leurs poussins. Par ailleurs, les vents violents génèrent des courants qui tournent autour de la masse terrestre de l’Antarctique, mettant ainsi l’océan Austral en mouvement. 
Ce courant circumpolaire joue un rôle moteur pour la santé des océans, dispersant les eaux et les nutriments tout autour du globe. Mais aujourd’hui, le réchauffement de la planète met l’océan Austral et l’Antarctique à rude épreuve. La banquise est en train de se modifier et les conséquences en sont inquiétantes : depuis des années, aucun poussin ne survit plus d’un an dans les colonies de manchots Adélie de la zone Dumont-d’Urville.

Les océans à rudes épreuves

Les preuves scientifiques sont sans équivoque : nous devons protéger de grandes zones marines afin de permettre aux océans de résister au stress causé par les activités humaines, comme la pêche intensive, la pollution due aux plastiques ou l’extraction des minerais. En 2009 a été créée la première réserve marine près des îles Orcades du Sud et il a été décidé de mettre en place un réseau de zones protégées autour de l’Antarctique. Ce projet est resté au point mort avant que les choses ne redémarrent en 2016 avec la réserve de la mer de Ross. Cette réserve, qui fait plus de trois fois la taille de la France, est la plus grande réserve marine de la planète.

Barack Obama et John Kerry ont joué un rôle de premier plan. Ils ont déployé des efforts considérables pour arracher le soutien de la Chine et de la Russie, qui n’étaient pas en faveur de cette mesure. Aujourd’hui, c’est à Emmanuel Macron de convaincre ses homologues de redonner sa grandeur à notre planète… à commencer par son extrême sud. Emmanuel Macron, qui s’apprête à assurer la présidence du G7, peut endosser ce rôle. La création d’une réserve en Antarctique prouverait à ses contradicteurs qu’il compte sérieusement laisser une trace durable pour la sauvegarde de notre planète.

Selon un nouveau sondage IFOP, les Français soutiennent massivement une action en faveur de l'océan Austral : 94% d'entre eux veulent que l'Antarctique et la vie qu'il abrite soient protégés et 69% pensent qu'Emmanuel Macron devrait y parvenir cette année. Nous sommes également de cet avis et convaincus que le président Macron peut y parvenir. Les choses s'accélèrent. Les pêcheurs de krill en Antarctique ont volontairement accepté de limiter leurs zones de pêche. De leur côté, l'UE et la Chine ont signé un partenariat historique pour les océans, qui mentionne explicitement la protection de la vie marine antarctique comme une priorité – un signe que la position chinoise s'assouplit. La Russie s'apprête quant à elle à célébrer le 200anniversaire de la découverte de l'Antarctique par l'explorateur russe Von Bellingshausen.

Protégeons ce que nous aimons

La Russie peut s’enorgueillir d’une longue tradition d’exploration et de recherche scientifique en Antarctique et, à l’heure où la Chine confirme son engagement dans ce domaine, on ne voit pas de meilleure manière de fêter notre héritage commun que de protéger l’océan Austral. Nous protégeons ce que nous aimons. Nous célébrons ce qui nous remplit de fierté. Emmanuel Macron, Vladimir Poutine et Xi Jinping ont une opportunité historique de faire les deux en octobre.

Nous vivons des temps difficiles sur les plans politique, environnemental et économique. Les sentiments nationaux sont exacerbés : investir notre capital diplomatique pour parvenir à une réserve marine dans l’Antarctique viendrait prouver que nous pouvons tous nous mettre d’accord lorsque l’enjeu est la survie de notre planète commune.

A Paris, en 2015, la communauté internationale a fait preuve de sa détermination en matière de changement climatique. Ne perdons pas cette chance de sauver notre planète tandis que nous le pouvons encore. Protéger l'Antarctique enverrait un message clair : «make our planet great again», ce ne sont pas juste des mots ! Mais pour cela, il faut une fois de plus que Paris montre la voie. Monsieur le Président, à vous de peser par votre action !

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