«L’Origine du monde» de Courbet : 152 ans après, voici le visage du modèle

Claude Schopp, dans un ouvrage à paraître le 4 octobre, révèle l’identité de la femme qui a posé pour le sulfureux tableau de Gustave Courbet. Voici, en avant-première, son visage.

 Constance Quéniaux, ici photographiée par Disdéri, serait le modèle de Gustave Courbet pour « L’Origine du monde ».
Constance Quéniaux, ici photographiée par Disdéri, serait le modèle de Gustave Courbet pour « L’Origine du monde ». BnF/Département des estampes et de la photographie

    Son sexe a été peint par l'un des plus grands peintres du XIXe siècle, Gustave Courbet. On connaît maintenant son nom et son visage. Et celui-ci – quel roman – a été immortalisé par les plus grands photographes de son temps, les pionniers de cet art : Nadar, mais aussi Disdéri, qui déposa en 1854 le brevet de la photo de carte de visite. La femme qui a servi de modèle pour « L'Origine du monde » s'appelait Constance Quéniaux (Quéniau sur certaines photos), ancienne danseuse de l'opéra. C'est la thèse, confirmée par les experts, du livre de Claude Schopp à paraître le 4 octobre, « L'Origine du monde, vie du modèle », (éditions Phébus).

    Un visage et un nom. Après 152 ans de mystères, de rumeurs, de fantasmes et de fausses pistes. Depuis 1866 et la réalisation, d'abord secrète, de ce tableau sulfureux d'un sexe féminin en gros plan par le peintre réaliste Gustave Courbet, on n'avait jamais mis de visage sur cette intimité. Ces dernières années, les thèses les plus farfelues avaient même circulé, comme celle d'un tableau découpé dont on aurait découvert le reste du corps. Un chef-d'oeuvre qui, après être passé de main en main, et notamment dans celles du psychanalyste Jacques Lacan, qui le posséda longtemps et le montrait caché derrière un rideau, est devenu la propriété de l'Etat et du musée d'Orsay, où il trône en majesté depuis 1995.

    «L’Origine du monde » de Gustave Courbet, propriété du Musée d’Orsay. /LP/Matthieu de Martignac
    «L’Origine du monde » de Gustave Courbet, propriété du Musée d’Orsay. /LP/Matthieu de Martignac BnF/Département des estampes et de la photographie

    « L'intérieur » de Mlle Quéniaux

    Claude Schopp, qui révèle l'identité du modèle, n'est pas spécialiste de Courbet mais de l'écrivain Alexandre Dumas. C'est en travaillant sur la correspondance d'Alexandre Dumas fils et de George Sand que le chercheur, qui connaît tout de la famille Dumas, Prix Goncourt de la biographie en 2017, est tombé sur le nom de Constance Quéniaux.

    Constance Quéniaux, photographiée par Pesme en 1861./BnF/Département des estampes et de la photographie
    Constance Quéniaux, photographiée par Pesme en 1861./BnF/Département des estampes et de la photographie BnF/Département des estampes et de la photographie

    Dans une lettre, Dumas fils, l'auteur de « La dame aux camélias », hostile à la Commune que soutenait Courbet et qui fut obligé de fuir la France après la fin de la guerre civile, raille l'artiste d'un autre bord politique que le sien. « On ne peint pas de son pinceau le plus délicat et le plus sonore l'interview de Mlle Queniault (sic) de l'Opéra », écrit Dumas fils. Phrase incompréhensible.

    Constance Quéniaux photographiée par Nadar en 1861./BnF/Département des estampes et de la photographie
    Constance Quéniaux photographiée par Nadar en 1861./BnF/Département des estampes et de la photographie BnF/Département des estampes et de la photographie

    Claude Schopp confronte cette transcription au manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France (BnF). Ce n'est pas « interview » qu'il fallait lire mais « intérieur ». Synonyme d'intimité, de sexe… Dumas fils se moque de la propension de Courbet à peindre un sexe en gros plan.

    Pilosité correspondante

    Sylvie Aubenas, directrice du département des estampes et de la photographie de la BnF, a confirmé cette thèse à l'AFP : « Ce témoignage d'époque découvert par Claude me fait dire que nous avons la certitude à 99 % que le modèle de Courbet était bien Constance Quéniaux. » La noirceur de la chevelure de cette dernière et ses « beaux sourcils noirs », loués par la critique lorsqu'elle dansait à l'Opéra, sont cohérents avec la pilosité du modèle, selon Sylvie Aubenas. En 1866, Constance Quéniaux avait 34 ans, ne dansait plus à l'Opéra depuis plusieurs années et était devenue l'une des maîtresses de Khalil-Bey, diplomate de l'empire ottoman menant grand train à Paris, et le premier propriétaire du tableau.

    Constance Quéniaux, photographiée par Disdéri./BnF/Département des estampes et de la photographie
    Constance Quéniaux, photographiée par Disdéri./BnF/Département des estampes et de la photographie BnF/Département des estampes et de la photographie

    L'énigme semble résolue. Dans une exposition consacrée à Nadar, la Bibliothèque Nationale de France présentera à partir du 16 octobre le portrait de Constance Quéniaux. Un joli sourire, beaucoup de froufrous dans des robes qui dissimulent une partie anatomique à la fois si intime, si fantasmée, si publique depuis un siècle et demi. Un roman vrai.

    « L'Origine du monde, vie du modèle », Claude Schopp, éditions Phébus, 160 pages, 15 euros. A paraître le 4 octobre.