Par André Comte-Sponville
Il y a plusieurs types d’amour, qu’on se plaît parfois à confondre et qu’il importe au contraire de distinguer. Il y a le rêve de la fusion et l’expérience du manque. Il y a la passion et l’amitié. Il y a l’amour qui prend et l’amour qui donne. Il y a « la grande souffrance du désir », comme dit Platon ; mais aussi sa puissance et sa joie, comme dit Spinoza. Il y a le sexe et le couple. Et puis il y a la charité, la très douce et très pure charité. Mais en sommes-nous capables ?
Tout cela peut se dire en grec, autour de trois mots, qui sont comme les trois noms de l’amour : Eros, philia, agapè. C’est ce qu’il faut essayer de comprendre – en français. Un matérialiste aura tendance à dire, avec Freud : primat du corps, donc primat, ici, de la sexualité. Mais qui pourrait s’en contenter ? Et qui ne voit que ceux que nous aimons le plus – nos enfants – sont justement ceux qui nous sont sexuellement interdits, voire inenvisageables ?
La sublimation, montre Freud, n’est pas le sentiment du sublime, mais le devenir-sublime du sentiment. C’est à quoi servent l’interdit et la transgression, lorsqu’elle est moralement acceptable (« elle maintient l’interdit pour en jouir », écrit Bataille). Primat du sexe, primauté de l’amour. Une éthique en découle, qui est aussi un art d’aimer : l’homme est un animal érotique. Les bêtes, qui font l’amour innocemment, ne savent pas ce qu’elles perdent.
André Compte-Sponville participe à la « nuit de l’amour et des idées » organisée par Le Monde Festival, le samedi 6 octobre. Conçue par Nicolas Truong, responsable de la rubrique « Débats » au Monde, la nuit est coanimée avec Audrey Fournier, de La Matinale du Monde. Elle débutera à 22 heures, jusqu’à 6 heures le lendemain, au Théâtre des Bouffes du Nord.
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