Ces dernières semaines, les graves incidents sécuritaires se sont multipliés. La fréquence et la gravité des attaques perpétrées par des groupes armés d’opposition (la dernière en date, le 22 septembre dans la ville de Beni, a fait 21 morts) sont de nature à fortement entraver le travail des équipes de l’ONU, du CICR et de MSF, qui tentent de contenir et d’éradiquer l’épidémie qui a déjà fait plus de 100 morts depuis qu’elle a été déclarée le 1er août dernier. Aujourd’hui, 150 cas confirmés et probables ont en outre été recensés. La Croix-Rouge congolaise, avec l'appui de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, estime avoir procédé à plus de 130 inhumations depuis le début de la crise sanitaire.
A lire: Ebola frappe à nouveau, cette fois en pleine guerre
«Il y a des déplacements importants de population, relève Peter Salama. Et en raison de la récente tuerie, la société civile a décrété une opération «ville morte» jusqu’à vendredi. Pendant ce temps, nous sommes bloqués.» Des franges de la population fuient littéralement les équipes sanitaires. «C’est notre autre inquiétude. Ebola s’est désormais étendu à des zones rouges [en conflit, ndlr] et à proximité de la frontière avec l’Ouganda. Les autorités ougandaises sont déjà en état d’alerte maximale, les déplacements entre le Nord-Kivu et l’Ouganda dépassant chaque jour les 20 000 personnes. Des vaccins devraient arriver en Ouganda dès jeudi. Le Rwanda et le Burundi ainsi que la province congolaise de l’Ituri sont aussi concernés.»
Le contexte le plus difficile pour l’OMS
«C’est le contexte le plus difficile auquel l’OMS a été confrontée», lâche Peter Salama, qui avoue être «très préoccupé» par la combinaison de plusieurs facteurs qui pourraient annoncer «un désastre parfait» et faire perdre le contrôle de l’épidémie jusqu’ici gérée de façon exemplaire par le Ministère congolais de la santé, les agences onusiennes, MSF et le CICR. «Nous sommes en zones de conflit actif. Les communautés, traumatisées par des décennies de combats, résistent de plus en plus au suivi sanitaire nécessaire. Et nous craignons une exploitation politique d’Ebola par les groupes d’opposition.»
Lire aussi: L'insécurité mine le combat contre Ebola en République démocratique du Congo
Porte-parole du CICR en RDC, Pedram Yazdi le souligne: l’accès aux communautés est un vrai défi, car le CICR a affaire à des gens qui ont été traumatisés par des années de conflit, qui le sont par Ebola et par l’impossibilité de recourir aux rites funéraires dont ils ont l’habitude. Quant au dialogue avec les groupes armés, Pedram Yazdi explique: «Nous sommes présents dans plusieurs provinces de RDC depuis longtemps. Nous avons des dialogues réguliers avec certains groupes armés, ad hoc avec d’autres. Mais il y a aussi des groupes armés avec lesquels nous n’avons aucun dialogue.»
Plus de 100 groupes armés
Certains groupes armés attribuent déjà la responsabilité de l’épidémie au gouvernement central pour tenter d’en obtenir des gains politiques. Selon Peter Salama, l’OMS et d’autres organisations ont pu assurer jusqu’ici 95% de la traçabilité de l’épidémie en opérant par cercles concentriques à partir de cas confirmés. Mais l’accès est, ces jours, très entravé. «Si nous ne pouvons pas approcher les gens qui présentent des symptômes, nous allons vers le désastre», ajoute-t-il. Facteur aggravant: la population et surtout les groupes armés, qui sont plus de 100 dans le Nord-Kivu, ont de plus en plus de peine à distinguer les agents du gouvernement des internationaux. La société civile de Beni a demandé, lundi, rien de moins que le départ de la Monusco, la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo.
Lire également: Le sang d’un rescapé d’Ebola comme remède
Pour l’heure, les personnels de l’ONU, de MSF, du CICR et d’autres organisations ne sont pas directement visés par les attaques des groupes armés. Peter Salama le souligne: «La philosophie de l’ONU est de rester et de produire des résultats.» Il faudrait des attaques directes contre l’ONU pour que son personnel, au nombre de 80 à Beni, quitte la région. Là où Peter Salama garde espoir, c’est grâce au «changement de paradigme» qu’ont permis la vaccination à large échelle (11 700 personnes) et les nouveaux traitements thérapeutiques qui en sont pourtant à leurs débuts.