Quand les thèses « indigénistes » s'invitent à l'école

Le Front de mères, un syndicat de parents d'inspiration indigéniste, a organisé le 15 septembre sa journée de rentrée à Montreuil.

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Quand les thèses « indigénistes » s'invitent à l'école
Quand les thèses « indigénistes » s'invitent à l'école

Temps de lecture : 5 min

Le sentier qui sépare la colère légitime de la haine farouche est parfois bien étroit. Le Front de mères, jeune syndicat de parents de Seine Saint-Denis, oscille entre les deux versants. Cette organisation cofondée par Fatima Ouassak, militante antiraciste un temps proche du Parti des indigènes de la République (PIR), et la blogueuse Diariatou Kebe, a tenu samedi 15 septembre sa première journée de rentrée à Montreuil. Une quarantaine de personnes étaient présentes dans la salle financée par le ministère de la Culture, la région, le département et la mairie. Présenté comme un syndicat de parents d'élèves des quartiers populaires, le Front de mères travaille l'imaginaire d'une bataille identitaire autour de l'école. Le programme de la journée est sans équivoque : ateliers pour « expérimenter la transmission des luttes à travers un cours d'histoire d'un point de vue anticolonial », cours de « critique des médias », ou encore conférence sur « l'alternative végétarienne ». La recherche de thèmes passerelles, capables de satisfaire d'un côté les revendications religieuses d'une population musulmane pieuse et de l'autre les attentes politiques d'une gauche altermondialiste, structure la stratégie du Front de mères. Ainsi, « l'alternative végétarienne » devient un outil politique promu par le syndicat auprès de ses sympathisants. La défense d'une alimentation non carnée a la vertu de séduire les publics végans et les familles religieuses en guerre contre la viande non hallal dans les cantines publiques.

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Illustration de cette mosaïque militante, la présence à Montreuil le 15 septembre de Farida Benmerabet, venue raconter son histoire. Cette responsable associative et politique qui se présente sur sa page Facebook comme « au service d'Allah » est membre du Collectif pour le droit et le respect des parents d'élèves (CDRPE), une association à forte connotation religieuse qui entend veiller « au respect des intérêts familiaux, moraux et éducatifs des élèves ». La militante, connue dans les années 2000 pour sa défense des mères voilées dans les sorties scolaires, affirme à la tribune : « En 2005, j'ai été interpellée en tant que responsable associative par des parents d'une école avoisinante. Selon eux, la directrice faisait manger de la viande de porc à tous les enfants, y compris ceux de confession musulmane. À l'époque, nous n'étions pas armés juridiquement. La directrice de l'école m'a envoyé ses avocats ultra-laïques. » Attaquée pour diffamation, elle est convoquée au tribunal. « J'ai été condamnée, j'ai fait appel et l'appel a été confirmé. Alors qu'on avait beaucoup de témoignages et au moment d'aller au tribunal, on leur a interdit d'aller témoigner. »

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Peu d'opposition politique

Dans l'ensemble, les interventions que nous avons pu entendre demeurent mesurées, rien à voir avec la rhétorique du manifeste publié l'année dernière par les deux fondatrices du Front de mères. Extraits : « La société française est hiérarchisée racialement, les Blancs font en sorte d'être privilégiés dans l'accès à la propriété, au pouvoir, aux soins, à la reconnaissance ou au confort, au détriment des Non-Blancs qui voient leur accès à ces ressources constamment entravé. » Défendant sans la citer l'idée d'un « racisme d'État », les militantes livrent leur lecture de l'école, qui serait « utilisée par les Blancs comme outil pour transmettre leurs privilèges à leurs enfants, et comme arme pour entraver le champ des possibles des nôtres » ou encore « lorsque le système raciste regarde nos enfants, il ne voit pas des enfants, il voit des menaces pour sa survie, ces millions de Noir-e-s et d'Arabes qui grouillent dans les écoles et les collèges de cité, cet immense danger qu'il s'agit de maîtriser le plus en amont possible ». Bref, pour ces militantes en colère, l'école publique, qui peine effectivement sur des questions d'égalité des chances, serait intrinsèquement raciste. « C'est un texte de témoignage d'urgence et il faut le prendre comme tel », se défend Fatima Ouassak au Point, « dans ce texte, je m'exprime en tant que parent, et même s'il s'agit d'un texte politique, je n'avais pas à l'époque envisagé de créer un syndicat ». Énième tentative indigéniste pour mobiliser autour de thèmes raciaux ? « Je ne reconnais pas ce terme d'“indigénisme” », poursuit la cofondatrice, « pour moi, c'est un terme d'extrême droite, la plupart du temps mobilisé pour disqualifier et diaboliser le discours antiraciste ou émanant des quartiers populaires ».

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Marylin Maeso est professeure agrégée de philosophie et auteure des Conspirateurs du silence (éditions de l'Observatoire), dans lequel elle dénonce l'essentialisme qui pollue le débat public. Si le terme « indigéniste » est pour elle effectivement utilisé à tort et à travers, il est dans le cas présent pertinent. Quant au texte, elle y voit « un pamphlet aux relents complotistes, d'une exploitation démagogique des peurs. Un peu à la manière des racistes à la Renaud Camus et Éric Zemmour qui surfent sur les peurs populaires en tissant depuis des années le mythe d'un “Grand Remplacement”, pourtant démenti par les statistiques, ces femmes montent en épingle les frustrations et les angoisses des parents immigrés pour leur donner le statut de faits objectifs indéniables ». L'enseignante pointe un « procédé rhétorique qui consiste à s'emparer de dysfonctionnements de l'institution scolaire » (profs absents non remplacés, mal formés). « Prétendre qu'ils seraient volontairement concentrés dans les lycées à forte mixité sociale dans le but de faire échouer les enfants d'immigrés, c'est de la pure paranoïa. Le non-remplacement des profs absents n'a rien à voir avec une stratégie raciste, il est dénoncé depuis des années par tous les parents dans tous les établissements, pas uniquement les parents d'enfants d'immigrés ».

La création de ce syndicat local rencontre peu d'opposition politique en Seine-Saint-Denis, même si son discours entend dépasser les frontières du département. Une des rares voix à s'élever contre les activités du Front de mères est celle de Marie-Laure Brossier, conseillère municipale de Bagnolet (apparentée LREM), qui ne mâche pas ses mots contre cette « tentative de création de plateformes politiques qui, sous couvert de convergence des luttes comme la malbouffe ou la maltraitance animale, permet de rallier l'électorat bobo et de le diriger doucement vers un socle idéologique indigéniste ». Les entrepreneurs identitaires n'ont pas fini de placer l'école au cœur de leurs batailles idéologiques...

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Commentaires (47)

  • Stam 44

    Ainsi, notre belle France serait, selon les propos extrémistes de ces "Indigénistes et Islamistes masqués" raciste ! Parce que trop laïque à leur goût, trop libre vis à vis des jeunes filles et femmes, autrefois assujetties aux pleins pouvoirs d'un patriarcat radicalisé et dépassé car rétrograde.
    Mais qu'en est-il vraiment ! Ne voient-ils pas ces anti -blancs que les temps ont changé. Que l'Histoire a surtout évolué dans les pays du Nord.
    Même si parfois, en notre démocratie apparaissent des distorsions entre les droits des Femmes et des Hommes, les lois fondamentales qui en forment la structure garantissent les mêmes droits et Devoirs pour tous les citoyens y vivant en Paix.
    Et cela qu'ils soient Noirs ou Blancs, Juifs ou Arabes, les Français et les étrangers qui séjournent en France, profitent des mêmes Droits et sont soumis aux mêmes Devoirs.
    En est-il autrement ailleurs, notamment dans maintes nations africaines ?
    Est-ce le fait que la République française soit une entité laïque et moderne qui refuse le communautarisme. Qui réprouve la pratique de la Charia comme loi ?
    Qui mette en avant la liberté de penser avant celle de la réclusion de l'esprit, s'insurge contre celle de l'interdit inapte, Qui combat la Soumission par des pratiques d'un autre âge, tel l'enfermement corporel dans la tenue vestimentaire qu'intellectuel de plus de la moitié de nos compatriotes, au seul fait qu'elles soient des Femmes ?
    Aussi, serait-il urgent pour toutes "ces minorités" invisibles et si mouvantes de cesser de tenir un double langage.
    Un double langage où ressort avant tout le calcul, la pression et le déni qui nuisent tant à tous ces Français de toute confession, qu'ils soient Blancs, Noirs, Arabes, Juifs ou Asiatiques (qu'on entend pratiquement pas se plaindre) et qui compromet tant la mixité sociale dans beaucoup de cités et nuit à l'éducation des jeunes de banlieue

  • 13mai1958

    Remplace celui de l'utopie tragique du stalinisme
    " il ne fallait pas desesperer Billancourt" alors.
    La France a pu eviter ce fleau... Du
    kommunist uber alles post 1945
    apres celui du Reich envahisseur !
    Notre esprit critique sut resister aux sirenes de l'Est.

    Mais en imposant à nos departements algeriens la double peine totalitaire marxo islamiciste... Apres les incitations du Reich, ce fut l'Urss et la Chine opportunistes... Post 1945 en relai.
    Nos bobos haram qui vinrent humer l'air du Cuba Libre à Alger post 1962...
    Ils durent retourner à leurs manifs en rond autour de la Sorbone... Rejetes comme les indigenes du cru de 1962 comme " europeens " et en sus " REVOLUTIONNAIRES EN PEAU DE LAPIN ".
    Notre residant Elyseen et notre venezuelien n'a qu'à bien se tenir en quemandant ce genre de suffrage.

  • TortillaFlat

    Ces mères vont juste rendre fous leurs gosses. Qu’on laisse ces femmes en dehors de l’école. Instrumentaliser des gosses revient à tuer toute spontanéité toute curiosité chez eux, ils deviennent les jouets d’un combat dont ils ne peuvent que sortir abîmés.