En soi, je n’ai rien contre ce design épuré, d’autant qu’il est né d’une jolie initiative: il y a six ans, la marque britannique Never Fully Dressed crée le Boob T dans le but de récolter des fonds pour une association dédiée à la santé mentale (dessiner un cerveau sur un t-shirt, ça aurait été moins vendeur).
Assumer comme Madonna
Rapidement, le t-shirt prend une dimension nouvelle et se mue en étendard féministe. Déambuler toute poitrine dehors, graphiquement parlant du moins, c’est faire un clin d’œil à la censure, un pied de nez à la sexualisation du corps féminin. Une manière de se réapproprier ses courbes et, comme Madonna dans son soutien-gorge cône, de le faire sans sourciller. Pourquoi pas. Dans le même genre, j’ai aperçu un sac en toile recouvert de croquis de poitrines, de mille tailles et formes différentes. Parfait pour dédramatiser son deuil du décolleté rêvé.
Tout ça, c’était avant l’an dernier. Avant que la it girl Kendall Jenner ne s’empare du Boob T et n’en fasse un banal phénomène Instagram. Depuis, le t-shirt s’arrache, s’est vu copié par de grandes chaînes de prêt-à-porter et, pire, détourné. A la place de la maligne parenthèse inversée, on trouve désormais deux marguerites, deux œufs au plat, deux cornets de glace ou, vous l’aurez deviné… deux ananas.
Réduire sa poitrine à des émojis de petites filles, faire d’un message choc un accessoire de mode, il y a quelque chose d’assez peu féministe là-dedans, finalement. Je suis d’avis que les convictions les plus sérieuses se disent encore mieux droit dans les yeux. Et qu’on n’a pas besoin d’un t-shirt, même branché, pour assumer ce qu’il y a en dessous.
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