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«Les discriminations sont minimisées au travail, en particulier lorsqu’elles tentent d’être justifiées par l’humour»

Selon le Défenseur des droits, qui publie ce jeudi son 11e baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi, 1 personne active sur 4 est confrontée à des propos ou comportements stigmatisants.
par Amandine Cailhol
publié le 27 septembre 2018 à 9h40

Etre à la fois dévalorisés, discriminés et harcelés. Tel est la triple peine vécue par nombre de travailleurs, qu'ils exercent dans le privé ou le public. C'est le premier constat du 11baromètre de la perception des discriminations dans l'emploi du Défenseur des droits publié ce jeudi, qui s'appuie sur un échantillon de 5 117 personnes représentatif de la population de France métropolitaine : «Les propos et comportements sexistes, homophobes, racistes, liés à la religion, handiphobes ou liés à l'état de santé au travail sont minimisés dans les milieux de travail, en particulier lorsqu'ils tentent d'être justifiés par l'humour.» Or, précise le baromètre, ces attitudes «ne sont pas un épiphénomène». Et pour cause : près d'1 personne sur 4 déclare en avoir déjà fait l'objet. Notamment ceux à caractère sexistes (14% des personnes interrogées) et racistes (9%).

Tout le monde n’est pas égal face à ce risque. Sans surprise, les femmes restent plus touchées que les hommes. Ainsi, 23% d’entre elles déclarent avoir été confrontées à des attitudes sexistes, contre 6% des hommes. De même, 22% des personnes de confession musulmane évoquent des propos ou comportements en lien avec leur religion, contre 3% des personnes de confession chrétienne. L’exposition au risque est d’autant plus forte lorsque l’on tient compte des multiples aspects de l’appartenance sociale des personnes. Ainsi, seulement 11% des hommes de 35 à 44 ans perçus comme blancs disent avoir été exposés à des propos et comportements stigmatisants. Là où les femmes de 18 à 44 ans perçues comme non-blanches sont plus d’1 sur 2 (54%) à rapporter de tels faits. Soit 43 points d’écart, tout de même.

«Harcèlement discriminatoire»

Des disparités importantes qui, selon le Défenseur des droits, «illustrent le fait que les propos et comportements agissent comme une assignation à des catégories discriminées». Et à une «identité sociale dévalorisée». Pas étonnant, dès lors, que ces personnes victimes de propos et comportements stigmatisants fassent aussi état, dans bien des cas, d'expériences de discrimination et de dévalorisation du travail. Ainsi, 86% des personnes rapportant un propos ou un comportement stigmatisant déclarent aussi avoir expérimenté ces deux autres attitudes hostiles (une seule, ou les deux). Et là encore, des inégalités demeurent. Les femmes non-blanches de 18 à 44 ans restent les plus exposées au cumul de ces trois situations (elles sont 36% à déclarer y avoir été confrontées), suivies des femmes en situation de handicap (29%), des hommes homosexuels ou bisexuels (22%). Loin devant les hommes de 35 à 44 ans perçus comme blancs (4%).

Phénomènes de harcèlement et de discrimination sont donc liés. Or, pour le Défenseur des droits, «les situations dans lesquelles les personnes subissent à la fois les trois attitudes hostiles observées dans l'enquête pourraient être qualifiées juridiquement de harcèlement discriminatoire». Selon lui, ce dernier peut, certes, prendre la forme d'actes ouvertement liés à un critère de discrimination. Mais, dans les faits, les situations peuvent être plus difficiles à saisir. Et le harcèlement discriminatoire peut «aussi s'alimenter d'un continuum de dévalorisations et de comportements hostiles simultanés». Une complexité qui doit appeler les entreprises à la vigilance, note le Défenseur des droits, et doit être prise en compte dans leur démarche de prévention.

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