La version non édulcorée de la missive de Galilée, envoyée à l’Église et exposant sa théorie de la Terre tournant autour du Soleil, vient d’être retrouvée. La preuve que le scientifique a cherché à amadouer l’Inquisition.

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    En 1633, Galilée était condamné pour hérésie par l'Église pour avoir exposé que la Terre tournait autour du Soleil, n'échappant au bûcher que de justesse en abjurant ses propos. L'astronomeastronome italien a tout fait pour sauver sa peau, allant jusqu'à nier être l'auteur de la missive incendiaire ayant valu sa condamnation. On savait qu'il existait deux versions de cette lettre : l'une, en possession des archives du Vatican, est la copie de celle envoyée le 16 février 1615 à l'Inquisition par un frère dominicain nommé Niccolò Lorini. Mais il s'agit d'une version retouchée de la lettre originale, qui a déclenché l'ire de l'Église et que contestait avoir écrit GaliléeGalilée. Ce dernier prétendait que cette première version, plus critique envers l'Église, avait été écrite par ses ennemis dans l'intention de lui nuire.

    Comme il existe de nombreuses copies de toutes ces lettres, on n'avait jusqu'ici jamais eu le fin mot de l'histoire. Mais aujourd'hui, la lettre originale vient d'être redécouverte à la Royal Society à Londres, révèle le journal Nature. En possession de l'académie scientifique depuis 250 ans, elle avait été mal classée dans les archives. C'est à l'occasion d'un tout autre sujet qu'un post-doctorant italien a mis la main dessus, cet été, en parcourant le catalogue en ligne. Dans cette lettre, envoyée le 21 décembre 1613 par Galilée à son ami Benedetto Castelli, un mathématicienmathématicien de l'université de Pise, il défend la théorie de Copernic, présentée 70 ans plus tôt, selon laquelle la Terre n'est pas immobile au centre de l'Univers mais tourne autour du Soleil. Il explique que les références de la Bible à des faits astronomiques ne doivent pas être « prises à la lettre » et que les ecclésiastiques n'ont « pas la compétence pour juger ces choses ».

    La lettre originale, envoyée en 1613 par Galilée, comporte les ratures et modifications apportées deux ans plus tard par l’astronome en vue d’apaiser l’Inquisition. © The Royal Society

    La lettre originale, envoyée en 1613 par Galilée, comporte les ratures et modifications apportées deux ans plus tard par l’astronome en vue d’apaiser l’Inquisition. © The Royal Society

    Galilée a adouci le ton de sa lettre

    Plusieurs éléments attestent de l'authenticité de la lettre de sept pages. L'écriture est similaire à celle de la deuxième lettre conservée au Vatican. Signée « G.G », pour GalileoGalileo Galilei, elle porteporte des corrections de la main du scientifique italien suggérant des modifications plus acceptables pour l'Église. Par exemple, dans sa première version, il se réfère à un passage de la Bible comme étant « faux au sens littéral des mots ». Dans la deuxième version, le mot « faux » est remplacé par « semble différent de la vérité ». Plusieurs autres passages ont aussi été effacés et raturés. Ces retouches ont été faites après coup par Galilée, après que Benedetto Castelli lui a renvoyé la lettre. Galilée envoie alors à Rome la deuxième lettre avec ces altérations, prétendant que la première version qui circule est un faux.

    Malgré cette tentative de rattrapage, l'Inquisition ne lâche pas Galilée et l'avertit en 1616 qu'il va devoir abandonner son appui au modèle de CopernicCopernic 70 ans plus tôt. L'astronome italien persévère pourtant et publie en 1632 « Dialogue sur les deux grands systèmes du monde », un argumentaire sur les différentes preuves en faveur ou non des deux modèles. En réplique, l'Inquisition le convoque à Rome pour subir un procès. En 1633, il est condamné pour hérésie et son livre est interdit. Contraint de s'abjurer, Galilée est condamné à une peine de prison commuée par le Pape en assignation à résidence, qui durera jusqu'à son décès, neuf ans plus tard.

    « Le problème de Galilée, c'est qu'il exposait sa théorie sans preuve réelle », explique Yaël Nazé, astrophysicienne à l'université de Liège. « Même s'il avait raison, il était impossible au XVIe siècle de prouver que la Terre tournait bien autour du Soleil. Le système héliocentriquehéliocentrique était en fait plus logique. Il rendait l'ensemble des calculs astronomiques plus simples. » Et comme il était incapable de prouver sa théorie, il n'hésitait pas à tordre les faits ou à en inventer pour convaincre ses interlocuteurs, indique la scientifique.