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Le témoignage contre Brett Kavanaugh bouleverse l’Amérique

Christine Blasey Ford, l’accusatrice du candidat à la Cour suprême, soutenu par Donald Trump, était «terrifiée» lors de son audience par la Commission judiciaire du Sénat américain. Le président maintient son appui à Brett Kavanaugh

Christine Blasey Ford témoigne devant le Sénat du gouvernement américain, Washington, septembre 2018. — © Michael Reynolds/Pool via Getty Images ©
Christine Blasey Ford témoigne devant le Sénat du gouvernement américain, Washington, septembre 2018. — © Michael Reynolds/Pool via Getty Images ©

Donald Trump a réitéré, jeudi soir, son soutien à Brett Kavanaugh, candidat à la Cour suprême. «Son témoignage était puissant, honnête et captivant», a-t-il tweeté, en appelant le Sénat à passer rapidement au vote à ce sujet.

Une salle d’audience du Sénat et des salles réservées au public pleines à craquer, des femmes, des hommes, des collégiens rassemblés près du Capitole à Washington collés à des écrans ou à leur smartphone pour écouter. L’audition par la Commission judiciaire du Sénat de Christine Blasey Ford, 51 ans, saisit le pays entier. Cette dernière accuse le candidat choisi par Donald Trump pour siéger à vie à la Cour suprême Brett Kavanaugh de l’avoir agressée sexuellement en 1982 lors d’une soirée arrosée entre étudiants de la Georgetown Prep, un collège de la banlieue de Washington.

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Christine Blasey Ford, chercheuse en psychologie à Palo Alto en Californie, l’a d’emblée admis: «Je ne suis pas ici parce que je veux l’être. Je suis terrifiée. Je suis ici parce que je crois qu’il est de mon devoir civique de vous dire ce qui m’est arrivé quand Brett Kavanaugh et moi-même étions au collège.» La voix chevrotante, mais sûre, elle a confirmé les accusations qu’elle avait proférées dans une lettre adressée cet été à la sénatrice démocrate Dianne Feinstein. Quand le sénateur Dick Durbin lui a demandé quel était le degré de certitude que l’agresseur était bien le candidat à la Cour suprême, sa réponse a claqué dans tout Washington: «A 100%.»

Peur de mourir

Dans son témoignage, Christine Blasey Ford a déclaré que lors de cette soirée de 1982, Brett Kavanaugh et son ami Mark Judge étaient tous deux ivres. Le premier l’a isolée dans une chambre alors qu’elle se rendait aux toilettes, l’a poussée sur un lit et s’est «mis sur elle» tout en la touchant partout sur le corps. Il a essayé de lui arracher son costume de bain une pièce. Elle a cherché à crier, mais il a mis sa main sur sa bouche pour l’en empêcher. Pour la jeune collégienne alors âgée de 15 ans, ce fut l’expérience la plus traumatisante qui aura un impact considérable sur sa vie. «J’avais du mal à respirer, a-t-elle ajouté, et j’ai cru que Brett allait accidentellement me tuer.»Les quatre années après l’incident furent un «désastre», a-t-elle avoué. «Ce que je peux dire, c’est que cela a impacté ma vie tout au long des trente-six dernières années.»

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Avant son audition, l’accusatrice a passé un test au détecteur de mensonge qui a confirmé, selon un agent du FBI, que Christine Blasey Ford ne racontait pas des histoires. L’audition d’hier s’inscrit dans un climat d’hystérie politique qui laissera des traces. A six semaines des élections de mi-mandat, les républicains veulent à tout prix confirmer la nomination à vie de Brett Kavanaugh à la Cour suprême. Ces derniers jours, ils étaient d’accord d’auditionner l’accusatrice, mais annonçaient déjà leur volonté de voter la confirmation vendredi. Malgré la demande de l’accusatrice, ils ont refusé une enquête du FBI.

Image écornée

Le cas Christine Blasey Ford enflamme l’Amérique entière. La chercheuse a eu droit à des menaces de mort, mais aussi à des centaines de lettres de soutien. Son courage est salué, faisant d’elle une nouvelle icône du mouvement #MeToo.

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Quant à Brett Kavanaugh, il a toujours tout nié, allant même jusqu’à accorder une étrange interview à la chaîne conservatrice Fox News. Il y soulignait son côté garçon très rangé, sportif, très catholique, allant jusqu’à admettre qu’il était resté puceau bien après l’agression sexuelle présumée. L’interview, angélique, n’a sans doute pas produit l’effet désiré: elle a commencé à mettre en doute la version de l’homme de loi. Aujourd’hui, même si le président Trump semble toujours le soutenir, sa candidature est en grand danger, d’autant que deux autres femmes l’accusent aussi d’agressions sexuelles.

Pour les républicains, le casse-tête est total. S’ils poussent au vote malgré l’audition d’hier, ils risquent d’en payer le prix lors des prochaines élections. Si Donald Trump choisit un nouveau candidat, le temps pour l’élire sera extrêmement court. Il reste quarante jours jusqu’aux élections de mi-mandat. Or le processus de confirmation le plus rapide jusqu’ici fut de cinquante jours. C’était lors de la nomination de la juge Ruth Bader Ginsburg en 1993.