Ces irréductibles partisans de la réunification de la Bretagne

Pétition, pression sur les élus locaux, manifestations… Les revendications pour un rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne existent toujours. Un rassemblement est prévu ce samedi à Nantes.

 Les militants de la Bretagne réunifiée manifesteront, ce samedi, à Nantes (Loire-Atlantique). Ils espèrent rassembler plusieurs milliers de personnes.
Les militants de la Bretagne réunifiée manifesteront, ce samedi, à Nantes (Loire-Atlantique). Ils espèrent rassembler plusieurs milliers de personnes. PHOTOPQR/Ouest-France/Marc Roger

    Attention, serpent de mer territorial! Les militants de la réunification de la Bretagne, c'est-à-dire de la fusion des départements bretons et de celui de Loire-Atlantique, ne désarment pas trois ans après l'entrée en vigueur de la réforme territoriale.

    La Bretagne était restée telle quelle, sous la pression notamment du ministre des Affaires Etrangères et ancien président de la région, Jean-Yves Le Drian. Pourtant, « c'est l'une des seules provinces où le découpage n'a pas changé du Moyen Âge à 1941 : la Bretagne englobait Nantes où étaient situées la plupart des institutions », précise l'historien et spécialiste de la Bretagne Joël Cornette.

    Le collectif 44=Breizh appelle ainsi à descendre dans les rues du chef-lieu de la Loire-Atlantique, ce samedi. « On veut faire pression auprès des élus pour qu'ils organisent un référendum », argue Ewan Thebaud, l'un des organisateurs. « On est dans une nouvelle stratégie car le contexte a changé » depuis 2015, argue le Nantais qui espère rassembler quelques milliers de personnes, soit dix fois moins qu'il y a trois ans.

    Reste que, d'après les sondages, une majorité des habitants serait favorable à une réunification de la Bretagne. Mais rien n'obligerait ensuite les collectivités locales à prendre le relais. « On est bloqué en droit français, mais le conseil régional est déjà sorti du cadre légal en subventionnant des associations pour sauver la langue bretonne, on veut pousser les élus à désobéir à nouveau », veut croire Thebaud, coordinateur culturel de 29 ans.

    «La balle est dans le camp de la Loire-Atlantique»

    Même revendication, mais stratégie différente pour l'association « Bretagne réunie », qui a lancé une pétition, ouverte à tous les habitants de Loire-Atlantique. Le but : dépasser les 100 000 signatures (plus de 80 000 pour le moment) pour atteindre 10 % du nombre d'habitants dans le département. Celui-ci débattrait alors du sujet, en vertu du droit d'option assoupli par la réforme de 2015. Jusqu'en mars prochain, les territoires peuvent ainsi changer leurs frontières, sans avoir besoin de l'accord de l'État.

    Mais les conditions sont drastiques : en l'occurrence, obtenir trois cinquièmes des voix des élus départementaux de Loire-Atlantique, mais aussi au conseil régional de la Bretagne et à celui des Pays de la Loire.

    « La balle est dans le camp de la Loire-Atlantique pour ouvrir le débat », indique-t-on au conseil régional de Bretagne, majoritairement favorable à une réunification. « Il n'y a pas de majorité en Pays de la Loire donc la pétition ne marchera pas », tempère de son côté le militant de 44=Breizh, qui préfère manifester pour alerter l'opinion publique.

    Une réunification source d'une rivalité ?

    « Bretagne réunie » compte bien obtenir les 20 000 signatures manquantes pour atteindre les 100 000 d'ici la fin de l'année. « Ce qui rassemble tous ces gens est leur attachement à l'identité bretonne », précise Joël Cornette. Lui-même a été frappé, en participant à une conférence à Nantes il y a quelques jours, de voir des habitants de toutes catégories sociales signer la pétition.

    Mais si « Nantes fait intrinsèquement partie de la Bretagne », comme le dit l'historien, pourquoi une telle résistance de certains élus locaux ? L'auteur d'une « Histoire illustrée de la Bretagne et des Bretons » (Seuil) y voit un « problème politique » : « Si Nantes revient en Bretagne, il y aura une rivalité avec Rennes et chacune des deux capitales féodales de région aura peur de perdre une partie de son importance. »

    LA RÉFORME TERRITORIALE, UNE PASSION FRANÇAISE

    C'est peu dire que les débats sur la réforme territoriale de 2015 auront été passionnés ! À peine présenté par François Hollande en 2014, le projet suscite aussitôt de nombreuses oppositions. Certains se plaignent d'un manque de concertation, d'autres rejettent la fusion qui leur est imposée ou à l'inverse auraient voulu que leur région s'agrandisse !

    À l'Ouest, le Premier ministre d'alors Jean-Marc Ayrault plaidait par exemple carrément pour une fusion des régions Bretagne et Pays de la Loire. Quant au grand rassemblement Centre-Limousin-Poitou-Charentes, il est critiqué pour son immense superficie… À l'inverse, la fusion des deux Normandie se passera sans écueil, sauf ensuite pour établir le nouveau chef-lieu de région entre Caen et Rouen, qui a finalement été choisi.