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Il n'y a pas mort d'homme ni d'insulte aux croyants, mais des touristes chinois ridiculisés en prime time en Suède. Une dose d'humour irrévérencieux qui passe mal à l'autre bout de la planète connectée, et dont s'empare cette fois Pékin pour faire la leçon à un pays champion des droits de l'homme. Un nouvel exemple d'effet boomerang à l'ère d'Internet, enflammant une polémique rapidement instrumentalisée à des fins politiques et diplomatiques.
Tout commence avec une polémique déclenchée par les tribulations d'une famille de touristes chinois à Stockholm. Les voyageurs avaient débarqué dans un hôtel à une heure du matin, exigeant à grand cri de pouvoir être hébergés dans le lobby en attendant l'heure de l'enregistrement de leur réservation, à midi… Face au refus des employés de la réception, ils font un esclandre avant d'être finalement évacués sur le trottoir par des policiers. La vidéo, filmée par la police de Suède, championne de la transparence, va devenir virale par delà la Grande Muraille, déchaînant les passions. Si certains internautes sont choqués par le traitement de leurs compatriotes forcés de passer la nuit sur le trottoir, beaucoup soulignent leur comportement aussi irresponsable que radin. Même l'un des touristes reconnaîtra ensuite « avoir perdu la tête » cette nuit-là.
Las, la diplomatie chinoise s'engouffre dans la brèche, ne laissant pas l'occasion de faire la leçon à un pays qui fustige régulièrement les violations des droits de l'homme du régime. Pékin dénonce vertement le comportement de la police, « qui a sévèrement mis en danger la vie, et violé les droits humains de base de citoyens chinois ». La deuxième puissance mondiale déclenche même une « mise en garde » à l'adresse des touristes chinois qui envisagent de visiter la paisible Suède, désormais pays « à risque ».
Excuses rejetées
La polémique rebondit de nouveau quelques jours plus tard, après la diffusion, samedi, d'une vidéo satirique se moquant férocement des touristes chinois. Résolument nauséabond, ce sketch précise que, en Suède, il est interdit de « déféquer dans les lieux publics » ou à table, et que, lorsqu'un passant promène son chien, « cela ne veut pas dire qu'il va en faire son déjeuner ». Une cascade de clichés enchaînés sur le ton de l'autodérision, qui n'a pas franchi le cap de la traduction en mandarin. « En Suède, nous défendons le principe d'égalité entre tous les hommes, un principe qui ne s'applique toutefois pas aux Chinois ! » avait assené, moqueuse, l'animatrice du programme satirique. La plaisanterie n'a pas vraiment plu sur Weibo, le Twitter chinois, où elle a été visionnée des dizaines de millions de fois, au premier degré, entraînant des réactions courroucées. « C'est très bas. Cela donne une mauvaise image de la Suède », poste ainsi un internaute. « Ils nous méprisent encore plus que les réfugiés », réplique un commentateur. L'orgueil du pays le plus peuplé du monde est piqué au vif.
Au point que la deuxième puissance mondiale exige des « excuses immédiates au peuple chinois ». Il faut dire que Svenska Nyheter, le programme satirique de la télévision publique suédoise Sveriges Television (SVT), a poussé la provocation très loin en postant sa vidéo sur Yukou, le YouTube chinois, le site américain étant censuré dans l'empire du Milieu, comme la plupart des réseaux sociaux et messageries occidentales. « Nous sommes allés trop loin », a reconnu le responsable de l'émission, Thomas Hall, s'excusant auprès des personnes qui se sont senties « heurtées » par la satire. Des excuses jugées « hypocrites » par l'ambassade de Chine à Stockholm.
Il faut néanmoins rappeler que, entre les deux pays, la température était montée d'un cran une semaine plus tôt, lorsque le dalaï-lama a visité la ville suédoise de Malmö, déclenchant la colère de Pékin. Le leader spirituel tibétain est en effet considéré comme « séparatiste » par la Chine, qui s'escrime à « punir » les pays qui osent encore l'accueillir. La France et Nicolas Sarkozy en avaient fait les frais en leur temps. En dépit des dénégations de la diplomatie chinoise, l'intransigeance de Pékin sonne comme une réplique à la venue du leader bouddhiste.
Avertissement
Les relations entre Stockholm et Pékin sont tendues depuis l'enlèvement, en 2015, d'un ressortissant suédois, Gui Minhai, durant ses vacances en Thaïlande. Ce libraire basé à Hong Kong, qui publiait des ouvrages critiques du régime communiste, aurait été enlevé par les services de sécurité chinois, au mépris de son passeport selon les ONG de défense des droits de l'homme. Gui est réapparu ensuite à la télévision chinoise, confessant « ses crimes » lors d'une séance d'autocritique dont le régime communiste est friand.
Ce n'est pas la première fois que la Chine s'attaque à un pays scandinave champion des droits de l'homme. La Norvège voisine a subi ses foudres après l'attribution, en 2010, du prix Nobel de la Paix au dissident chinois Liu Xiaobo, décédé depuis en détention. Pékin bloque les importations de saumon, sous un prétexte sanitaire, et gèle ses relations diplomatiques et négociations commerciales pendant six ans. Il vient tout juste de reprendre langue avec Oslo.
La satire de la télévision suédoise offre au régime du président Xi Jinping, héraut d'un nationalisme décomplexé, l'occasion de faire d'une pierre deux coups : envoyer un avertissement à la Suède, tout en s'affichant en protecteur de ses concitoyens toujours plus nombreux à voyager, défendant l'honneur d'une nation trop longtemps méprisé par un Occident arrogant. L'incident est officiellement clos selon le ministère des Affaires étrangères chinois, qui a reconnu que la « liberté d'expression » en vigueur en Suède, autorisait SVT à diffuser la satire controversée. Avec un air de commisération.
En dit plus sur son interprète que sur le fait lui-même :
"Le style, c'est l'homme même". (Buffon)
On sait bien que les Chinois montrent à l'étranger un curieux complexe de supériorité : les Han méprisent les autres ethnies chinoises depuis l'époque des royaumes combattants.
Depuis que Mao lui a donné la bombe (merci Khroutchev) et en toute occasion elle
montre ses muscles ; ses fanfaronnades en mer de Chine n’impressionnent personne, c’est à usage interne, comme chacun sait ; itou pour ses touristes (continentaux) très impolis au contraire des Chinois (De Taïwan) toujours courtois : c’est pourtant Chou Enlaï lui-même qui décortiquait les litchis pour Nixon conversant avec Mao...
À ce niveau c’est bien normal...
J'ai plusieurs fois "subi" le comportement irrévérencieux des touristes chinois. Poussez vous de là que je m'y mettes, bruyants, irrespectueux... Nouveaux riches sans savoir vivre.