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Fourrure : la fin d’une ère

Les griffes renoncent peu à peu à l’usage de la fourrure sous la pression des défenseurs des animaux. De nombreuses jeunes marques investissent le créneau de la fausse fourrure de qualité.

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Publié le 28 septembre 2018 à 10h38, modifié le 28 septembre 2018 à 12h00

Temps de Lecture 5 min.

Des activistes de l’association de défense des animaux PETA protestent contre l’utilisation de la fourrure par l’industrie de la mode, devant la Tour Eiffel, le mardi 25 septembre 2018, en pleine fashion week parisienne.

Début septembre, la maison Burberry – et son nouveau directeur artistique, Riccardo Tisci –, poids lourd de la mode britan­nique, affirmait qu’elle n’utiliserait plus de fourrure animale. Le lendemain, une étude menée par le British Fashion Council annonçait que, cette saison, la semaine de la mode londonienne serait entièrement dépourvue de fourrure. Cet effet domino, qui s’accélère, a commencé il y a plusieurs mois.

En mars, Donatella Versace, dont la marque Versace à l’aura glamour a longtemps été associée à des fourrures multicolores portées par des amazones sexy en diable, prononçait le même engagement.

« C’est notre responsabilité de protéger l’environnement et l’écosystème. » Donatella Versace

« Cela fait longtemps que j’y pensais, explique la créatrice. Nous passons tous, dans la vie, par des phases où nos envies, nos convictions et nos priorités évoluent. (...) C’est notre responsabilité de protéger l’environnement et l’écosystème. On possède aujourd’hui la technologie pour développer de nouvelles fibres, qui peuvent se substituer aux peaux animales et qui ont les mêmes standards de qualité. »

En octobre 2017, Gucci y renonçait aussi, qualifiant cette matière de « désuète ».

Avant, ce sont les griffes Calvin Klein, Giorgio Armani, Michael Kors, Ralph Lauren ou encore Tommy Hilfiger qui abdiquaient, tandis que le site Internet d’e-commerce de luxe Net-a-porter.com annonçait l’an passé ne plus en distribuer.

L’Anglaise Clare Waight Keller, qui pré­sentait en mars sa deuxième collection pour la maison Givenchy, a quant à elle fait défiler une série de manteaux tour à tour cintrés, enveloppants ou tachetés noir et blanc, tous réalisés dans une fausse fourrure plus vraie que ­nature. Se félicitant du résultat, la créatrice dévoilait alors sur Instagram que son développement avait nécessité plus de trois mois de recherches.

La question, soulevée ici en creux, est bien de savoir s’il est finalement raisonnable de continuer à produire et à porter de la vraie fourrure en 2018.

Campagnes de protestation crues et violentes

Symbole de prestige et de pouvoir, porter de la fourrure a longtemps été perçu comme étant sans conséquence : « Il ne faut pas oublier que, historiquement, la fourrure est la première forme de vêtement. Pendant longtemps, il n’y a eu aucune interrogation autour de son utilisation dans le secteur textile. C’est dans les années 1980 – quand des activistes tels que la PETA [People for the Ethical Treatment of Animals] ou des personnalités comme Brigitte Bardot se sont emparés du sujet – que cela a commencé à faire son chemin dans les consciences », commente Frédéric ­Godart, sociologue de la mode et professeur à HEC.

Les différentes campagnes de sensibilisation de la PETA, souvent crues et violentes à l’encontre des designers, ont en effet profondément marqué les esprits.

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« Le raisonnement des activistes, c’est de dire que, si les maisons de mode ne commercialisent pas de fourrure, le marché n’existe pas. S’attaquer aux créateurs revient donc pour eux à s’attaquer à la source du problème », analyse Frédéric Godart.

Muriel Arnal, présidente de l’association One Voice, représentante en France de la Fur Free Alliance (coalition internationale de protection des animaux), se félicite que certaines marques de luxe s’éloignent enfin de la fourrure : « C’est évidemment une avancée, et nous sommes confiants quant à la prise de conscience de plus en plus d’acteurs de la mode. Aujourd’hui, près de 500 entreprises participent à notre programme Fur Free Retailer et en ont le label. Pour autant, nous savons également que les enjeux économiques primeront toujours sur les enjeux éthiques. »

Les chiffres faramineux de l’industrie de la fourrure s’expliquent par la très bonne santé du marché chinois.

En effet, le marché de la fourrure se porte toujours bien. Selon une étude de la Fédération internationale de la fourrure, cette industrie a généré dans le monde près de 30 milliards de dollars de revenus en 2017 et emploie plus d’un million de personnes. Ces chiffres faramineux s’expliquent, en partie, par la très bonne santé du marché chinois. Et certaines marques, qui ont fait de la fourrure leur spécialité, persistent dans cette voie florissante.

Mais, signe des temps, leur approche n’est plus tout à fait la même. La maison italienne Fendi, emmenée par Karl Lagerfeld, présentait à Paris en juillet sa ligne annuelle consacrée à la fourrure. Alors que, depuis ses débuts en 2015, cette dernière était baptisée « Haute Fourrure », cette année, elle s’appelait sobrement « Fendi Couture ». Et quelques silhouettes en organza ou en cuir furent travaillées de façon à imiter la fourrure.

Yves Salomon, fourreur historique parisien, lançait en mars « Pièces », une ligne de manteaux et de vestes réalisés uniquement à partir de chutes et de morceaux de fourrures déjà utilisées.

La fausse fourrure encore trop polluante

En parallèle, de nombreuses jeunes marques se sont mises sur le créneau de la fausse fourrure de qualité. Parmi elles, les new-yorkaises House of Fluff et Maison Atia, la britannique Jakke, la française La Seine et Moi ou bien encore la plus célèbre Shrimps, lancée par la Londonienne Hannah Weiland, en 2013.

Saluée par les acti­vistes antifourrures, ces jeunes pousses se heurtent pourtant à d’autres problématiques : la réputation polluante de ces matières synthétiques. Car si les poils doux ne sont pas issus de lapins, renards et autres chinchillas, ils sont fabriqués à partir de Nylon, polyester et acry­lique façonnés grâce au pétrole. Une technique très ­consommatrice d’énergie.

« Leur fabrication est effectivement très polluante, mais ce sont des problématiques secondaires pour les défenseurs des animaux », souligne Frédéric Godart. Les maisons de luxe ayant des moyens importants à leur disposition, nul doute que ces questions environnementales ­seront au centre de leurs futures recherches et expérimentations :

« La recherche avance aujourd’hui sur des techniques et des produits moins polluants, notamment sur des fibres végétales qui ressemblent à s’y méprendre à de la vraie fourrure. Les groupes de luxe ont tout intérêt à aller dans ce sens. La prochaine étape est d’ailleurs sans doute de repenser le cuir. D’ici une vingtaine d’années, il n’y aura plus de produits d’origine animale dans la mode », ­assure le sociologue.

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