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Affaire des assistants parlementaires du FN : ce que Nicolas Bay a dit aux juges

L'ex-vice-président du Front national Nicolas Bay a été entendu sur de possibles détournements de fonds au Parlement européen. Les enquêteurs soupçonnent le collaborateur du député européen de l'avoir assisté également dans ses activités nationales.

Pascal Ceaux , Mis à jour le
Marine Le Pen et Nicolas Bay lors du Congrès du FN à Lille en mars dernier.
Marine Le Pen et Nicolas Bay lors du Congrès du FN à Lille en mars dernier. © Sipa

Cette fois, c'était le tour de Nicolas Bay . Après onze responsables et employés du Rassemblement national (RN), successivement convoqués dans l'enquête sur les assistants du parti d'extrême droite au Parlement ­européen, son ancien vice-président a été interrogé le 7 septembre par la juge d'instruction Claire Thépaut. Mis en examen pour "abus de confiance", il est apparu fragilisé par les découvertes relatives à son propre ­collaborateur, selon le compte rendu de son audition. Il a cependant nié toute forme de détournement et pris la défense de Marine Le Pen, elle aussi poursuivie dans cette affaire.

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Ouverte en décembre 2016, l'enquête porte sur une vingtaine d'assistants parlementaires travaillant officiellement pour le RN (ex-FN) au Parlement de Strasbourg. Rémunérés à ce titre sur les fonds publics européens, ils auraient en réalité collaboré pour l'essentiel au fonctionnement du parti. Plusieurs anciens membres du RN ont assuré durant l'instruction que la consigne en avait été donnée par Marine Le Pen en personne, lors d'une réunion tenue en juin 2014 à Bruxelles (l'autre siège du Parlement européen) – ce que celle-ci a formellement nié.

Le cas de Nicolas Bay semble avoir valeur d'exemple aux yeux des enquêteurs. Elu au Parlement européen en 2014, il a recruté trois collaborateurs. L'un d'eux, Timothée Houssin, a la qualité d'assistant parlementaire, pour un salaire de 2.300 euros par mois. Il est ­notamment chargé d'intervenir sur les publications sur Internet et de rédiger communiqués et ­argumentaires. Mais les investigations de la police montrent qu'il passait bien plus de temps au siège du parti, à Nanterre (Hauts-de-Seine), qu'à Bruxelles ou à Strasbourg – un engagement plus national ­qu'européen.

Trois missions auprès de Nicolas Bay

Interrogé sur ce point, Nicolas Bay répond à la juge : "Je lui ai indiqué que, lorsque je n'étais pas au Parlement européen, mon lieu de travail habituel était au siège du parti à Nanterre. Il m'a indiqué que cela ne le dérangeait pas de se rendre sur place puisque c'est là que je me trouvais." Quelle tâche a réellement effectuée le collaborateur? Lorsqu'il a lui-même été interrogé, il a dû admettre qu'il ne disposait d'aucun élément susceptible d'attester ses activités. Nicolas Bay a transmis à la magistrate des textes de son collaborateur diffusés sur Internet et les réseaux sociaux. Il a aussi évoqué des revues de presse en précisant, pour justifier l'étrange réponse de son assistant : "Il me les remettait sur mon bureau, le plus souvent au format papier. Je les ai retrouvées dans mon bureau de député à Bruxelles."

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J'ai toujours accepté une certaine souplesse dans l'organisation de son travail au quotidien

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La juge s'interroge par ailleurs sur la fréquence des contacts entre les deux hommes, relevant que le collaborateur de Bay avait plus de conversations téléphoniques avec une autre dirigeante du parti qu'avec son député. "Il entretient avec elle des liens personnels d'amitié, a plaidé Nicolas Bay. Beaucoup [de ces liens] n'ont aucun rapport avec la politique." A propos de sa propre relation de travail avec l'assistant, il a indiqué : "Nos échanges sont très fréquemment oraux du fait de la proximité de nos deux bureaux."

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De fait, Timothée Houssin semble s'être rendu indispensable. A un moment, il exerce auprès de Nicolas Bay trois missions à la fois, au Parlement européen, au parti et à la direction de la campagne des élections départementales de 2015. Il n'est pourtant rémunéré que par l'Assemblée de Strasbourg. "Cela correspond à son engagement militant à mes côtés, qu'il a toujours eu et notamment dans mes campagnes électorales", explique l'élu, qui estime qu'un tel engagement implique le bénévolat. "J'ai toujours accepté une certaine souplesse dans l'organisation de son travail au quotidien", ajoute-t-il.

Bay dénonce un "règlement de comptes"

Le 1er avril 2015, Houssin est devenu salarié du Front national, chargé de la structuration de l'appareil militant. Nicolas Bay venait alors de recevoir une lettre du Parlement européen, qui ­envisageait de suspendre le ­paiement des salaires du collaborateur. "Je demande la manière dont je dois leur faire parvenir les éléments ­justificatifs, a-t-il expliqué à la juge. Je n'ai pas obtenu de réponse précise […] J'ai ensuite reçu le 28 juillet 2015 une nouvelle lettre où mon interlocuteur m'indique qu'il prend bonne note de clarifications que ses ­services ont reçues […] J'en ai conclu que c'était classé sans suite." Le Parlement européen s'est pourtant constitué partie civile depuis lors.

Visiblement soucieux de dédouaner Marine Le Pen, accusée par des témoins d'avoir donné l'ordre de détourner les fonds parlementaires au profit de son parti, il a certifié que "Marine Le Pen n'a jamais dit cela" et cherché à discréditer ces accusateurs. "Leur point commun, a-t-il dit, c'est qu'ils ont tous exprimé des divergences politiques et ont quitté notre ­mouvement. Ils sont dans une démarche de règlement de comptes qui ne repose sur aucune vérité avec un objectif évident de nuire." ­Exposé à d'éventuelles poursuites pour "détournement de fonds publics", Nicolas Bay a protesté : "Je récuse totalement cette infraction comme j'ai récusé totalement celle d'abus de confiance." Ces mots ne seront peut-être pas suffisants pour convaincre la juge, alors que l'instruction touche à sa fin.

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