Récit

Salah Hamouri, un an dans les limbes de la justice israélienne

Depuis le 23 août 2017, ce Franco-Palestinien est incarcéré sans connaître ses chefs d’inculpation. Ses proches dénoncent une situation «arbitraire».
par Guillaume Gendron, Correspondant à Tel-Aviv
publié le 26 août 2018 à 20h06
(mis à jour le 26 août 2018 à 20h06)

Un an après son arrestation, le Franco-Palestinien Salah Hamouri végète toujours dans l'une des plus grandes prisons israéliennes, Ktzi'ot, dans le désert du Néguev. Sans connaître l'ampleur des charges qui pèsent contre lui, sans assurance sur sa date de libération. Jeudi, à l'occasion de cet «anniversaire», le Quai d'Orsay s'est à nouveau dit «préoccupé» par son maintien en «détention administrative». Cette spécificité israélienne, combattue par les associations des droits de l'homme, permet d'incarcérer pour des durées renouvelables toute personne suspectée de menacer la sécurité de l'Etat hébreu. La décision est prise par un juge lors d'audiences à huis clos, sur les recommandations confidentielles du Shabak (le renseignement intérieur israélien) que l'accusé n'a même pas le droit d'entendre. Sans autre forme de procès.

Né à Jérusalem d'un père palestinien et d'une mère française, le binational de 33 ans a passé la moitié de sa vie d'adulte en prison. Denise Hamouri, qui vit toujours à Jérusalem-Est, égrène les sentences : «Trois mois de prison au lycée pour avoir collé des affiches, quatre mois à la fac, puis sept ans.»

Icône

La dernière correspond à sa condamnation en 2005 pour sa participation, selon la justice israélienne, à une cellule du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) qui planifiait l’assassinat d’Ovadia Yossef, grand rabbin cofondateur du parti religieux Shass. Malgré l’absence de preuve matérielle, Hamouri, qui n’a jamais reconnu les faits, avait choisi de plaider coupable en échange d’un accord divisant la peine encourue par deux.

Durant son incarcération, il devient l'icône des réseaux français pro-palestiniens qui le considèrent comme un «prisonnier politique» et réclament sa libération, alors que la France, présidée par Nicolas Sarkozy, s'affaire sur le sort de Gilad Shalit, ce soldat franco-israélien tombé aux mains du Hamas.

A sa sortie de prison en 2011 (dans le cadre des accords Shalit, justement), Hamouri, qui a entamé des études de droit à l’ombre, enchaîne les conférences et rejoint Addameer, une association de soutien aux prisonniers palestiniens. Il épouse la fille du président de son comité de soutien, l’ex-député communiste Jean-Claude Lefort.

Pour Elsa Lefort, expulsée d'Israël en janvier 2016 avec le jeune fils du couple, c'est ce non-renoncement au militantisme qui est visé par les autorités israéliennes : «A chaque retour en Israël, il était interrogé, on lui mettait la pression : "Pourquoi tu ne restes pas en France, un si beau pays… Tu n'y auras pas de problèmes…" Le but est de le pousser à quitter Jérusalem.» La dernière arrestation d'Hamouri, souligne Elsa Lefort, a eu lieu trois jours après qu'il a passé l'examen du barreau palestinien.

Boycott

Les autorités israéliennes n'ont commenté son cas qu'une seule fois, via un communiqué envoyé au site Times of Israel en septembre 2017. Le Shabak y allègue qu'Hamouri a «renoué» avec le FPLP (faction marxiste de l'OLP, reconnue comme organisation terroriste par Israël et l'Union européenne), «malgré les avertissements qu'il a reçus des forces de sécurité».

Le 1er juillet, un juge israélien a ordonné trois mois de détention supplémentaires, le temps d'étudier «de nouvelles informations». Sans accès au dossier, Hamouri, présent à l'audience, avait refusé d'être défendu, s'inscrivant dans le boycott des tribunaux israéliens engagé en février par les Palestiniens en détention administrative (autour de 500, soit 8 % des prisonniers palestiniens).

«Ces audiences, c'est plus du théâtre qu'autre chose», se désole sa mère. Théoriquement, Salah Hamouri pourrait être libéré le 30 septembre. «Mais on garde les pieds sur terre, on a appris à ne pas s'attacher à ce genre de déclaration venant de cette "justice" où règne l'arbitraire…», relativise Elsa Lefort. Celle qui n'a pu visiter son mari en prison pointe une certaine frilosité des médias et de la diplomatie française, dont les «évocations» du dossier, bien que persistantes, sont restées sotto voce.

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