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Le spot TV fête ses 50 ans

Adopté par décret au terme d'une bataille politique polémique le 1 er  octobre 1968, le spot TV s'apprête à aborder une nouvelle bataille décisive.

Par Véronique Richebois, Marina Alcaraz

Publié le 1 oct. 2018 à 16:08

Il se réveille en sursaut, sort de son lit en gesticulant, bougonne, s'exclame, implore « Boursin ! Boursin ! », claque les portes… avant d'ouvrir son frigo et de dénicher le fameux fromage. Diffusé à 19h55 sur TF1 le 1er octobre 1968, signé par Publicis, ce premier spot publicitaire télévisé de 30 secondes, d'un coût de 70.000 francs, entre, d'un coup, dans la légende.

« La démarche faisait figure d'une telle aventure que les films étaient annoncés par avance dans les programmes TV des quotidiens et de 'Télé 7 Jours' , explique Anne Saint-Dreux, présidente de la Maison de la Publicité. Dans tous les pays européens, à l'exception de la Belgique, la publicité télévisée existait déjà. Aux Etats-Unis, le premier spot − pour les montres Bulova − avait été diffusé en 1941. »

VIDEO - L'insomniaque, par Boursin (1968)

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La presse sent le vent du boulet

La France n'arrive alors qu'au 26e rang mondial, en termes d'investissements publicitaires… derrière l'Equateur. Il est donc plus que temps de rattraper le retard engrangé. Pour autant, l'arrivée de la publicité sur le petit écran n'est pas gagnée. De janvier à septembre 1968, une incroyable bagarre va avoir lieu pour bloquer son arrivée.

Dès avril 1968, en effet, « L'Express » pose la question qui fâche : « Un certain nombre de journaux français survivront-ils à la perte de 15 à 20 % de leur recette publicitaire ? » La presse sent le vent du boulet. Les directeurs de journaux dînent discrètement avec les députés de tous bords. S'ensuit au printemps une crise politique carabinée, au cours de laquelle une motion de défiance est déposée contre la politique de l'information du gouvernement… avant d'être retirée in extremis.

30 milliards de plus pour l'ORTF

De son côté, l'ORTF fait ses comptes : l'introduction de la pub lui apportera 30 milliards d'anciens francs supplémentaires alors que son budget n'est que de 130 milliards annuels. En mai 1968, à l'Assemblée, Georges Pompidou a été clair : « L'objectif de l'adoption des réclames par le petit écran est de développer la consommation et d'accroître les recettes des deux chaînes publiques. »

Après de multiples négociations, le décret est adopté. Truffé d'obstacles. La publicité TV ne sera autorisée que sur trois secteurs : l'alimentation, l'électroménager et le textile. Tandis que des pans entiers de l'économie en sont écartés. Enfin, il n'y aura que 2 minutes de publicité quotidiennes qui passeront à 4 minutes en 1969.

Le prix de deux usines

S'ouvre alors une époque bénie pour les publicitaires. « Tous les annonceurs voulaient passer à la télévision, ils étaient prêts à beaucoup investir et l'un d'entre eux m'a même dit : 'Votre spot va me coûter le prix de deux usines !', se souvient Jean Feldman, l'un des créatifs les plus fameux de l'époque. Il faut dire que l'on avait les meilleurs : le chef-opérateur de Fellini et de jeunes réalisateurs comme Jean-Jacques Annaud, Ridley et Tony Scott… qui faisaient là leurs premières armes. »

Aujourd'hui, la grande distribution (pour les opérations promotionnelles), l'édition, le cinéma, les disques… continuent d'être écartés des écrans TV. Toutefois, la publicité à la télévision représente presque 3,3 milliards d'euros (selon l'IREP 2017) et est le deuxième média le plus investi derrière Internet. Même si, comme la plupart des autres acteurs historiques, elle a souffert de la crise de 2008-2009 et de la concurrence accrue des Gafa. Depuis 2000, les revenus publicitaires du petit écran ont ainsi baissé de 17 % selon BearingPoint, résistant mieux que la presse sur la période (−71 %).

Consultation sur les secteurs interdits

Le ministère de la Culture a lancé, il y a un an, une consultation sur l'ouverture possible des secteurs interdits à la télévision − et surtout la possibilité de faire de la publicité dite segmentée, notamment géolocalisée. Selon les estimations de Publicis Media, 100 à 150 millions d'euros atterriraient dans les caisses des télévisions si les promotions pour la distribution étaient possibles sur le petit écran. La publicité adressée pourrait générer, elle, 200 millions d'euros supplémentaires pour le marché d'ici à 2022, selon une étude commandée par le Syndicat national de la publicité télévisée.

Toutefois, rien n'est encore tranché. Plusieurs médias résistent. D'après une étude de France Pub, la presse, la radio et la publicité extérieure pourraient perdre 576 millions d'euros par an d'investissement (soit 44 % des investissements), en cas d'assouplissements. Le spot TV aborde sa seconde bataille majeure.

Véronique Richebois et Marina Alcaraz

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