Musée du quai Branly-Jacques Chirac

Madagascar : trésors à la carte

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La Grande île, l’île rouge ou l’île Paradis, comme on l’appelle, a le charme d’un territoire mystérieux. Depuis l’exposition « Ethnographie de Madagascar », présentée au musée de l’Homme en 1946, aucune manifestation d’envergure n’avait été consacrée aux arts malgaches ! À travers près de 360 œuvres, le musée du quai Branly-Jacques Chirac met à l’honneur ce riche patrimoine, des premiers peuplements de l’île à nos jours. Une culture dans laquelle le sacré habite le quotidien, le monde des morts celui des vivants. Envoûtant.
Mortier en forme de zébu en bois
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Mortier en forme de zébu en bois, début du XXe siècle

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Sous le signe du zébu

Ce mortier en bois sculpté de taille modeste avec sa bosse amovible servait à piler le sel ou les épices. Symbole de richesse, le zébu est un motif de pouvoir et de prestige omniprésent dans l’art malgache. Il a été importé à Madagascar du continent africain au Xe siècle par des populations bantoues et leurs traditions d’élevage. De même que le riz, l’igname et le cocotier, originaire d’Austronésie, il a façonné le paysage d’une île peuplée par des vagues d’immigrations successives de populations originaires de Malaisie, d’Indonésie, des Philippines, d’Afrique, de la péninsule arabique, d’Iran, d’Inde ou de Chine, avant la rencontre avec les Européens en 1500.

Coll. Stéphane Mangin

Pierrot Men, Vatomandry
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Pierrot Men, Vatomandry, 2013

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Dans les nuages

Comme des fenêtres ouvertes sur le monde contemporain de Madagascar : les clichés de Pierrot Men pris sur le vif, tel ce pêcheur ramenant son filet, témoignent de la vie quotidienne de l’île. La vision humaniste du photographe saisit l’intensité du geste dans la magie du paysage. Né en 1954 au sud de l’île, Pierrot Men, d’abord artiste peintre, se consacre aujourd’hui entièrement à la photographie, documentant toute l’île de ses images incarnées. Ici à Vatomandry, la mer et les nuages sont typiques du climat de la façade orientale à la pluviométrie élevée, favorable à la végétation. À l’inverse, sur la façade ouest, autour de Marondava, le paysage de savane est façonné par les troupeaux et les arbres sacrés, baobabs et tamariniers.

© Pierrot Men

Eugène Bastard, Portrait d’un Malgache vu de profil avec une pointe de lance
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Eugène Bastard, Portrait d’un Malgache vu de profil avec une pointe de lance, vers 1898-1910

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L’importance des guerriers malgaches

Cette photographie réalisée par le paléontologue et naturaliste français Eugène Bastard montre le profil « ethnographique » d’un guerrier malgache. Tout est codifié, de la coiffure au châle appelé lamba, tissé en rayures horizontales et servant aussi de linceul. Ces guerriers ont toujours fasciné les Européens. Ils sont apparus au XVe siècle avec la naissance des différents royaumes, jusqu’à ce que celui de Merina, soutenu par les Britanniques, unifie l’île au début du XIXe siècle. Les accessoires du guerrier débarquaient alors en Europe : la lance nommée sagaie et le bouclier rond en bois, ainsi que des talismans protecteurs (mohara). En dissolvant le royaume de Merina, les colons français confisquent les sagaies qui deviennent éléments d’apparat. Elles symbolisent la résistance et l’hostilité des Malgaches aux colonisations portugaises, anglaises et françaises, comme lors de l’insurrection de 1947, violemment réprimée.

Positif au gélatino-bromure d’argent sous plaque de verre • Coll. Musée du quai Branly - Jacques Chirac • © musée du quai Branly-Jacques Chirac

Corbeille
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Corbeille, non daté

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L’art du design

Activité principale après l’agriculture, la vannerie est pratiquée par les femmes qui tissent toutes sortes de plantes fibreuses pour confectionner des œuvres originales (étui, chapeau, vêtement…) telle cette corbeille surmontée d’un défilé militaire. Ce motif est devenu populaire au contact des soldats européens à partir du XIXe siècle. L’intérieur des maisons malgaches est organisé selon le vintana, le zodiaque qui ordonne les douze destins regroupés en quatre points cardinaux. Articulés autour du pilier central qui soutient la toiture, le nord sacré est séparé du sud profane. Dans ces espaces vides de mobilier, à l’exception du lit, les objets sont répartis en fonction de leur utilité. Pour ranger et aménager, les Malgaches ont déployé une extraordinaire créativité dans les arts décoratifs et utilitaires, en exploitant les ressources de l’île (bois, bambou, osier…).

Coll. Musée du quai Branly - Jacques Chirac • © musée du quai Branly - Jacques Chirac / Photo Claude Germain

Amulette protectrice contre les balles bara
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Amulette protectrice contre les balles bara, avant 1891

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Des amulettes magiques

Cette amulette a une fonction protectrice : elle permettait de prémunir son propriétaire des balles de fusil. Suspendue dans la maison, celle-ci représente deux statuettes d’homme et de femme, chacun tenant un récipient. Les colliers de perles de verre confèrent un statut sacré à l’objet. La religion malgache reconnaît la suprématie d’un dieu unique, Zanahary, auquel on ne peut s’adresser que par l’intermédiaire d’une multitude d’esprits dont ceux des ancêtres. Le devin guérisseur ombiasy est consulté pour créer ces charmes, amulettes et talismans : ody s’ils protègent un individu, ou sampy pour une communauté. Ces objets magiques aux formes très diverses sont composés d’éléments variés, avec des fonctions qui ne laissent rien au hasard.

Bois, perles de verre, fibre végétale • 14 x 7,4 x 4,7 cm • Coll. Musée du quai Branly - Jacques Chirac • © musée du quai Branly - Jacques Chirac / Photo Thierry Ollivier, Michel Urtado

Poteau funéraire
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Poteau funéraire, vers 1898

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L’amour plus fort que la vie

Les aloalos ou poteaux funéraires sont placés sur les tombeaux des ancêtres. Sur celui-ci sont accrochés cinq crânes de zébus, qui témoignent à la fois de la richesse de la lignée et du sacrifice rendu en hommage au défunt afin de protéger sa descendance. Au départ réservés à la lignée royale, identifiable par le symbole du crocodile, les poteaux funéraires se multiplient avec la colonisation au XIXe siècle. La femme et l’enfant symbolisent la régénération tandis que les oiseaux, animaux à la frontière entre le monde des morts et celui des vivants, évoquent l’âme des ancêtres et l’énergie sexuelle qui garantit la fertilité de tout le lignage. Au-delà de la mort, l’amour est pour les malgaches source d’éternité.

Bois, crânes de bovinés, métal, perles • 306 x 75 x 83 cm • Coll. Musée du quai Branly - Jacques Chirac • © musée du quai Branly - Jacques Chirac / Photo Thierry Ollivier, Michel Urtado

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Madagascar. Arts de la Grande Île

Du 18 septembre 2018 au 1 janvier 2019

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