Charles Aznavour est mort : voici ses dix chansons les plus emblématiques

Charles Aznavour, mort ce 1er octobre à l’âge de 94 ans, a composé plus de 1000 chansons. En voici dix, qui retracent ses plus de soixante-dix ans de carrière.

Par Valérie Lehoux

Publié le 01 octobre 2018 à 17h20

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h15

“Le Feutre taupé” (1948)

Edith Piaf a remarqué le duo qu'il forme avec Pierre Roche, et décide de les embarquer dans une tournée en France et aux Etats-Unis. Les duettistes restent plus longtemps que prévu outre-Atlantique : ils chantent un an et demi dans un cabaret de Montréal. Leur Feutre taupé témoigne de cette époque. Mais le succès n'est que relatif, et Pierre Roche, qui rencontre une jeune Canadienne, décide de rester vivre là-bas. Incité par Piaf, Aznavour rentre alors en France pour se lancer en solo (dans l'immédiat, il deviendra son régisseur).

“Ay ! Mourir pour toi” (1957)

Aznavour n'est pas encore une grande vedette du music hall quand il écrit, paroles et musiques, cette chanson pour Amalia Rodrigues. La reine du fado en fera l'un de ses classiques, lui conférant une dimension romantico-dramatique digne de l'interprète exceptionnelle qu'elle est. Plus tard, Aznavour la chantera également, sur un rythme plus rapide, presque enjoué, lui donnant une toute autre couleur.

“Je m'voyais déjà” (1960)

On l'a souvent prise pour une chanson autobiographique mais malgré ses accents de vérité, il n'en est rien : Aznavour, jure-t-il, l'a écrite après avoir vu un chanteur raté dans un bar de Bruxelles – d'ailleurs, il n'a jamais « quitté sa province », contrairement au protagoniste du texte. Il l'a ensuite proposée à Yves Montand, qui l'a refusée. Pas grave : Je m'voyais déjà va marquer son couronnement sur la scène de l'Alhambra, à Paris, le 12 décembre 1960. Enfin. Un sacre que le chanteur attend depuis des lustres ; il a 36 ans.

“For me formidable” (1963)

Réjouissant exercice de style franco-anglais, ce texte, joueur et bilingue, illustre à merveille la dextérité de l'auteur Aznavour – qui passe, de son propre aveu, plusieurs heures par jour le nez dans les dictionnaires, notamment de rimes. Clin d'œil de l'histoire : le chanteur est aussi l'un des seuls Français (avec Maurice Chevalier) à être vraiment connu en Amérique. Il s'y est construit une carrière à force d'aller y jouer : Bob Dylan, dit-on, fait partie de ses admirateurs. 

“Hier encore” (1964)

Le temps qui passe, inexorablement : voilà bien l'obsession d'Aznavour et sans doute le thème le plus récurrent de son œuvre. En 1964, le chanteur n'a que 40 ans, mais il campe ici un homme au soir de sa vie, qui se retourne sur les années passées. Posture de modestie : il est habité par la nostalgie, pas vraiment tendre avec lui-même et sa conduite d'hier. La musique est signée du beau-frère d'Aznavour, Georges Garvarentz, d'origine arménienne lui aussi et mari de sa sœur Aïda. Il composera nombre de ses succès.

“La Bohème” (1965)

Et dire que c'est Georges Guétary qui était censé l'immortaliser ! A l'origine, La Bohème faisait d'une comédie musicale, Monsieur Carnaval, signée Aznavour et Jacques Planque, et créée au Théâtre du Châtelet en décembre 1965 – avec Guétary, donc, dans le rôle phare. Mais prenant soudain conscience de la valeur de sa chanson, le petit Charles décide de l'enregistrer lui aussi. Ce qui suscita quelques tensions entre les deux chanteurs et leurs maisons de disques respectives... On sait qui marqua le plus la mémoire collective…

“Emmenez-moi” (1967)

Classique à l'efficacité intemporelle, c'est l'une des plus grandes réussites du tandem Aznavour - Garvarentz. Cet appel au départ vers des pays lointains et chauds (mais surtout, ce rêve d'échappatoire face la grisaille d'un quotidien misérable), deviendra peu à peu une sorte d'hymne dans les concerts d'Aznavour, repris en chœur par toute la salle. Enfin... c'est son refrain qui sera chanté par le public. La vitesse d'exécution du couplet exige une telle virtuosité vocale que seul un soliste peut l'assurer. Aznavour aime les défis.

“Comme ils disent” (1972)

Ce n'est pas la première fois que l'homosexualité est abordée dans la chanson ; mais jusqu'à présent, elle l'était le plus souvent sous le couvert de la moquerie. Si le texte d'Aznavour (qui lui fut inspiré, dit-il, par son chauffeur, « qui en était ») n'échappe pas aux clichés (il les accumule), il a le mérite de ne pas tourner son héros en ridicule : le portrait de cet homme trop seul porte sa part de drame. En tout cas, de respect. Sans doute est-ce pour cela que Comme il disent fut d'emblée appréciée dans la communauté homosexuelle.

“Ils sont tombés” (1975)

Fruit, encore, de la longue collaboration entre Aznavour et Georges Garvarentz, Ils sont tombés n'est sans doute pas leur chanson la plus réussie, mais elle fut, pour l'un comme l'autre, forcément emblématique : elle évoque le génocide des Arméniens. Elle est enregistrée en avril 1975, c'est à dire soixante ans tout juste après le déclenchement des massacres. Si Aznavour mit longtemps à s'engager publiquement pour la cause de l'Arménie, son action après le grand tremblement de terre de 1988 ne laissa plus de doute quant à son attachement à la terre de ses parents. Il en devint citoyen en 2008, et ambassadeur.

“Ecrire” (2015)

Infatigable, il fait encore partie la dizaine d'auteurs qui contribuent cette année-là au disque collectif de Grand Corps Malade – depuis longtemps l'un de ses protégés. Le principe ? Chaque participant doit y signer un texte contenant la phrase : « il nous restera ça », gardant par ailleurs carte blanche sur le choix du thème. Aznavour, l'homme aux plus de mille chansons, choisit le thème de... l'écriture. Et a 91 ans, il continue de faire montre d'une parfaite maîtrise de l'exercice. 

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