Macron-Collomb, dans les coulisses de la rupture

Que s’est-il donc passé dans la tête de Gérard Collomb pour qu’il claque la porte avec fracas ? Tout s’est noué en 24 heures, entre lui et le président. Récit.

 Le 6 septembre 2017, à Paris. Emmanuel Macron a refusé, lundi, la démission de Gérard Collomb, qui a confirmé ce mardi que celle-ci tenait toujours.
Le 6 septembre 2017, à Paris. Emmanuel Macron a refusé, lundi, la démission de Gérard Collomb, qui a confirmé ce mardi que celle-ci tenait toujours. AP/François Guillot

    Tout s'est joué en face à face entre le président et son ministre de l'Intérieur. Dans un bras de fer insolite entre un homme et son père politique. Lundi soir, Gérard Collomb s'enferme seul dans son grand bureau, où trône un portrait d'Emmanuel Macron. Il prend sa plume pour rédiger sa lettre de démission. Alors qu'il doit partir un quart d'heure plus tard en Guinée, il annule tout. Puis il prend le chemin de l'Élysée.

    Que s'est-il donc passé dans sa tête ? « On a compris qu'il y avait eu quelque chose ce week-end de l'ordre de l'intime », confie l'un de ses soutiens. « Sa femme Caroline lui a dit : Tu ne peux pas rester », croit savoir un autre ami. La goutte d'eau ? Daniel Cohn-Bendit l'appelant lundi matin à prendre sa « retraite ». Il sait à quel point l'icône européenne est proche du président. « Et comme l'Élysée n'a pas pris sa défense, il a décidé de jeter l'éponge », poursuit la même source.

    Dans la voiture qui le ramène du Palais, il répète en boucle les mots qu'il vient de prononcer devant le président. Qui l'a convaincu de rester, encore un peu. Pas banal, Collomb appelle ensuite lui-même Le Figaro - sans prévenir ses conseillers! - pour annoncer que Macron vient de refuser son départ. « Les voies du Gégé sont impénétrables… C'est une manière de se relégitimer. Le message, c'était : Les cocos, je suis encore là! » s'esclaffe un proche.

    « Il a voulu être maître des horloges »

    Ce mardi, il remet une pièce dans la machine en martelant son envie de quitter le navire. Et réunit dans la foulée ses conseillers pour leur dire qu'il rentre à Lyon et leur faire ses adieux. « C'était ferme, définitif », confie un participant, qui s'attendait à ce qu'il quitte Paris… dès mardi soir. Et ne revienne que pour la passation de pouvoirs.

    Les macronistes du premier cercle ne décolèrent pas. « C'est un vieux vicieux et Emmanuel s'est fait avoir comme un bleu ! Il rentre de son périple (NDLR : aux Antilles) épuisé et il se prend ça en pleine figure. C'est honteux », vitupère l'un. « Brigitte ne lui adresse plus la parole depuis deux mois », glisse un pilier de la majorité.

    À n'y rien comprendre ? « Gérard est triplement sous pression : extrêmement fatigué, dépressif et poussé par sa femme à partir. Il est en mode : J'envoie tout balader. Il est à bout », confie un ponte de la macronie. Sans compter qu'un « puputsch » couvait à Lyon, selon un conseiller du pouvoir, pour qui « il y avait le feu à la baraque ». Collomb est rentré « traumatisé d'un meeting samedi dans sa ville», raconte un cadre LREM.

    Un autre fidèle décrypte : « Il a eu, depuis très longtemps, l'habitude d'être le seul maître à bord, le baron dans son fief. Être en position subalterne vis-à-vis du président et du Premier ministre, il ne le vivait pas bien. Il a voulu être maître du jeu, des horloges. » Quitte à entamer l'autorité du président, avec qui il a dîné le 10 septembre à l'Élysée. Une semaine plus tard, il annonçait son départ dans L'Express … après les européennes.

    Lors du dîner politique qui a suivi à l'Élysée, il n'y a pas eu un mot sur le sujet, pourtant. « C'était un peu un dîner de cons ! » balance un convive. Autour de la table, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin ont pris la parole l'air de rien, avant de la céder à Collomb, qui a fait un long dégagement de la Chine à la Russie, en passant par la Macédoine, « et le président écoutait comme si tout allait bien ». « Il parlait sécurité, grands problèmes planétaires… Surréaliste ! » souffle un invité, estomaqué de l'avoir vu façon « Tout va très bien Madame la marquise ».

    Motus, aussi, au petit-déjeuner de la majorité à Matignon, ce mardi. Le locataire du Perchoir, Richard Ferrand, a bien tenté d'amener le sujet sur le ton de la plaisanterie, façon : « Alors, Collomb reste au gouvernement ou pas? » Édouard Philippe a coupé court. Et pour cause. Il n'était pas dans la boucle!

    Macron dans la même situation que… Hollande

    La vie politique sait se montrer ironique. Un conseiller de l'ombre se souvient du temps où François Hollande refusait de débarquer le remuant Macron, alors que tout le monde le pressait de le sortir. Et le voilà qui se retrouve dans une situation identique…

    « Macron n'arrive pas à virer les gens et il n'aime pas agir sous la contrainte. Là, Collomb vient de décider à sa place », glisse un macroniste. Une rupture ? Un proche de Collomb achève : « Avant, ils faisaient les choses en concertation. Mais là, ils ne sont même pas arrivés à mettre au point une présentation qui permette à tout le monde de sauver la face… »

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