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Non, 91% des Marocains et 84% des Algériens ne veulent pas quitter leur pays pour venir en France (lien signalé sur Facebook)

C'est un titre faux qui circule sur des sites d'extrême droite, et s'appuie sur des études qui ne disent pas exactement cela.
par Pauline Moullot
publié le 3 octobre 2018 à 12h09

Un article publié sur le site d'extrême droite La Gauche m'a tuer (1) affirme dans son titre que «91% des marocains et 84% des Algériens veulent quitter leur pays pour venir en France !», et explique s'appuyer sur «le blog de Thomas Joly». Celui-ci titrait pourtant: «91 % des Marocains, 84 % des Algériens et 53 % des Tunisiens souhaitent quitter leur pays pour vivre en Occident», et non en France. Et prenait comme source un énième site d'extrême droite, Suavelos, qui s'appuyait lui-même sur… le site communautaire musulman Oumma.com qui s'interrogeait: «Le Maghreb sera-t-il confronté demain à un exode massif de sa population?»

Celui-ci écrivait: «Les destinations qui font rêver les Algériens, Marocains et Tunisiens sont: le Canada, les USA, la France, l'Allemagne, mais aussi les Emirats arabes unis, le Royaume-Uni et la Belgique.» Et revenait sur plusieurs études relatant les velléités d'émigration des citoyens de ces trois pays. Deux d'entre elles, sur le Maroc et l'Algérie, portent en fait sur le nombre de ressortissants de ces pays qui seraient prêts à quitter leur pays pour des raisons professionnelles.

La première étude a été commanditée par la Commission européenne. Publiée en mars 2017, l'enquête a été menée auprès de 10 000 jeunes entre 2014 et 2016 en Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Egypte et au Liban et coordonnée par le Barcelona Center for International Affairs (Cibod). On y apprenait que 52,8% des jeunes Tunisiens interrogés avaient l'intention d'émigrer.

L'enquête révèle également que les conditions économiques sont la raison principale de l'émigration (72%) : le manque d'opportunités professionnelles (34%), les mauvaises conditions de vie (21%), le revenu est inférieur à celui de l'étranger (12%) et l'aide de la famille (5%). Quant à l'orientation géographique préférée par les jeunes dans leurs projets migratoires, on note que les pays de l'Europe sont la principale destination des jeunes Tunisiens.

La seconde étude citée, sur l'Algérie, a été réalisée par le Boston Consulting Group en partenariat avec le cabinet de recrutement The Network, début 2018, et menée sur 366,139 employés et personnes en recherche d'emploi dans 197 pays. On y apprenait ainsi que l'Algérie était classée à la 83e place en termes d'attractivité de talents et de cadres internationaux, mais que 84% des Algériens étaient dans le même temps «prêts» à s'expatrier pour des raisons professionnelles. Selon l'étude, le chiffre de 84% correspond au «pourcentage de répondants qui travaillent déjà à l'étranger ou sont prêts à déménager à l'étranger pour le travail»Le HuffPost Maghreb résumait alors:

La même étude révèle toutefois que la majorité des Algériens sont prêts à s'expatrier vers un autre pays afin d'y occuper un emploi. Les Algériens placent en tête de leurs choix de destination le Canada, la France et l'Allemagne, puis les Emirats arabes unis, le Royaume-Uni, la Belgique. Les Algériens sont prêts à s'expatrier pour «acquérir de l'expérience», profiter de «meilleures opportunités de carrière», élargir l'expérience personnelle» et profiter du «meilleur niveau de vie».

Enfin, la dernière étude, sur «la migration des talents marocains», a aussi été menée par un cabinet de recrutement, Rekrute.com, sur 1880 personnes. La question posée, à laquelle 91% des personnes interrogées ont répondu oui, était: «Si vous en avez l'opportunité, iriez-vous travailler à l'étranger ?». Ce qui ne signifie pas exactement que 91% des Marocains ont un projet d'émigration. Et à la question: «dans quel pays iriez-vous?», le Canada arrivait là aussi en premier choix avec 37% de réponses, devant la France (25%), l'Allemagne et les Etats-Unis.

(1) Pour lutter contre les «fake news», Facebook a mis en place un partenariat avec cinq fact-checkers français (dont Libération). Des articles très partagés sur le réseau social et signalés par des utilisateurs sont vérifiés par les médias français.

Pour aller plus loin :

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