La Terre brûle, mais les Français se ruent sur les pick-up

La Terre brûle, mais les Français se ruent sur les pick-up
Le Ford Ranger est le pick-up qui s'est le plus vendu en France en 2017. (C. OSORIO/SIPA )

Un non-sens : le régime fiscal français avantage ces véhicules très lourds et gourmands en carburant.

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C'est un symbole de nos contradictions sur la question écologique. Alors qu'une nette majorité de Français se dit préoccupée par les enjeux environnementaux, alors que l'avènement de la voiture électrique est annoncé avec de plus en plus d'insistance, il ne s'est jamais vendu autant... de pick-up en France.

On parle bien de ces engins très imposants, venus tout droit des Etats-Unis, peu réputés pour la finesse de leur ligne et leur sobriété. Ils affichent une croissance étonnante : en 2017, 20.000 pick-up neufs ont été écoulés sur le marché français, contre 17.000 en 2016 et 14.000 en 2015. Soit, chaque année, des taux de croissance à deux chiffres. Et la tendance ne faiblit pas : les ventes de pick-up et de 4x4 ont encore progressé de plus de 12% au cours des six premiers mois de l'année 2018 !

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Certes, le marché du pick-up reste encore marginal. Mais, selon les chiffres d'"Autoplus", sa part de marché a déjà progressé de plus de 50% en deux ans. Preuve de cet engouement, la plupart des constructeurs s'y sont mis et proposent désormais de tels modèles, de Renault à Mercedes, en passant par Fiat.

Dévoreurs d'espace

Le souci ? Ce sont des voitures extrêmement gourmandes. Leur consommation avoisine souvent les 10 litres aux 100 kilomètres, soit près du double de la consommation moyenne des voitures neuves (autour de 4,6 litres). Ce sont aussi et surtout des véhicules imposants, peu aérodynamiques, et très lourds : près de 5,40 mètres de longueur, pour un poids de 2,2 tonnes en moyenne.

Là encore, c'est au moins une tonne de plus que nombre de véhicules neufs. Or la masse a un impact direct sur le niveau de consommation, et sur les émissions de CO2. La plupart de ces modèles sont par ailleurs équipés de diesel, des moteurs dont on sait aujourd'hui qu'ils émettent plus de particules fines dangereuses pour la santé.

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Par leur gabarit, les pick-up n'ont pas qu'un impact sur les émissions de CO2 et la qualité de l’air. Ce sont des dévoreurs d'espace, qui ont besoin de routes et d'emplacements de stationnement toujours plus larges. Une occupation de l'espace public qui risque de se faire au détriment des autres modes de déplacement.

Les pick-up ne sont pas non plus sans poser des problèmes de sécurité. Aux Etats-Unis, où les pick-up sont partout, une forte hausse du nombre de piétons tués a été observée depuis 2009 (+46%). Et selon des chercheurs, elle serait en partie liée à l’augmentation de la taille des véhicules.

"Une niche fiscale injustifiable"

Comment expliquer cet intérêt des Français dans le contexte actuel de crise écologique ? Comme le montre l'extraordinaire essor des SUV, ces voitures surélevées à l'apparence de 4x4 qui représentent un tiers du marché automobile français, les consommateurs privilégient de plus en plus souvent l'achat de véhicules massifs, séduits notamment par le sentiment de sécurité qu'ils procurent à leurs occupants – au détriment de celle des piétons, des cyclistes ou deux-roues motorisés...

Mais la croissance des ventes de pick-up s'explique aussi et surtout par des raisons... fiscales. Ces voitures sont en effet considérées comme des véhicules utilitaires à usage professionnel, en raison de leur importante capacité de chargement à l'arrière. Une telle classification est loin d'être anodine puisqu'elle permet à ces pick-up d'échapper tout simplement au malus écologique, qui est censé pourtant pénaliser les véhicules émettant trop de CO2...

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Cette classification est d'autant plus étonnante que ces nouveaux modèles de pick-up ont de moins en moins l'allure de véhicules utilitaires : ils offrent en effet un niveau de confort proche des 4x4 de luxe et autres SUV, comme l'illustre l'arrivée sur ce marché de Mercedes. Au regard de leur standing, ce sont donc bien les particuliers qui sont ciblés.

"La réglementation actuelle crée un effet d’aubaine dans lequel se sont engouffrés les constructeurs", explique Mathieu Chassignet, spécialiste des mobilités durables.

"Une telle niche fiscale est injustifiable dans le contexte actuel, d’autant plus que rien n'est fait, en matière de fiscalité écologique, pour inciter à l'achat de voitures plus petites et plus sobres."

Sébastien Billard

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