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A Hollywood, des «directeurs de l’intime» pour les scènes dénudées

Claire Warden est actrice, mais aussi «intimacy director», un nouveau métier qui se développe aux Etats-Unis

Image d'illustration. Photo de tournage du site Catering of Paris. — © Catering of Paris
Image d'illustration. Photo de tournage du site Catering of Paris. — © Catering of Paris

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Quand une actrice doit se dévêtir ou subir les assauts de son partenaire pour jouer une scène, elle peut désormais avoir affaire à une toute nouvelle catégorie de professionnels: les intimacy directors. Cette fonction encore méconnue est en train de se développer aux Etats-Unis. Et, forcément, l’affaire Weinstein et le mouvement #MeToo mettent en lumière ces anges gardiens à la mission bien particulière.

«Nous ne sommes pas là pour censurer ou empêcher des scènes de nu, prévient d’emblée Claire Warden. Notre but est d’abord d’aider les comédiens confrontés à des scènes dénudées, à des simulations d’acte sexuel ou à de simples situations impliquant un contact physique à se sentir à l’aise. Nous veillons à ce que tout soit fait de façon respectueuse et proposons une sorte de chorégraphie de l’intime.» Cette aide prend parfois des formes toutes simples. Comme faire en sorte que les acteurs aient leurs habits à proximité après des scènes où ils jouent dévêtus.

Commencer par mieux communiquer

Claire Warden raconte sa nouvelle mission avec passion. Elle-même comédienne, elle a une prédilection pour le théâtre, mais a aussi joué dans des films et des séries. Originaire de la petite île de Guernesey, elle vit à New York et fait partie de l’Intimacy Directors International, fondée en 2016 par ses trois comparses, Alicia Rodis, Tonia Sina et Siobhan Richardson.

Quand elle met sa casquette de «metteuse en scène de l’intime», elle lance toujours un coup de fil aux acteurs avant de les retrouver sur le tournage, pour leur expliquer son rôle. «Certains sont persuadés qu’ils n’ont pas besoin de nous. Mais souvent, ils nous remercient à la fin!» Elle se souvient d’une jeune actrice gênée à l’idée de devoir laisser tomber sa robe, même en étant filmée de dos. «J’ai simplement demandé que les gens dont la présence n’était pas indispensable sur le plateau s’en aillent, puis je lui ai aussi montré à quoi ressemblerait la scène sur mon iPhone.» L’actrice a pris confiance et a fini par être fière de sa prestation.

Un autre exemple, sur le tournage d’un film à propos des relations tumultueuses au sein d’un couple. «Pour une scène au lit, j’ai proposé de rompre avec le schéma habituel du mâle dominant et d’une position pelvis contre pelvis. Les deux acteurs étaient beaucoup plus à l’aise et leur performance s'est révélée meilleure et plus crédible!» «Dans les scènes de sexe, le bien-être de la femme et de ce qu’elle ressent au niveau de son corps est souvent ignoré. On ne lui demande pas son avis, enchaîne Claire Warden. Il s’agit donc souvent de commencer par mieux communiquer, de faire prendre conscience de ce qui est demandé et d’expliquer les scènes.»

Une zone grise dangereuse

Comme actrice, elle a elle-même subi des gestes déplacés. Un homme qui jouait son mari en a par exemple profité pour l’embrasser et la peloter, ce qui n’était pas prévu dans le scénario. «Certains justifient leurs comportements de prédateur sexuel en prétendant «jouer leur rôle». C’est précisément dans cette dangereuse zone grise que nous intervenons. Rien ne doit être fait sans le consentement des acteurs.» Phénomène Weinstein ou pas, des acteurs masculins cherchent parfois aussi du réconfort auprès des intimacy directors, par peur d’aller trop loin dans des scènes osées.

Dans le New York Times, une actrice, Margaret Judson, racontait en août sa propre expérience avec un intimacy director, de façon assez amusante. C’était lors d’une audition pour la série The Deuce (HBO). Elle devait jouer une scène violente où un homme agrippait ses seins pendant qu’un autre lui glissait la main sous la jupe. Dans son texte intitulé «Comment jouer une actrice porno à l’ère #MeToo? Avec l’aide d’un intimacy director», elle dit avoir été tout étonnée de recevoir un jour un appel d’Alicia Rodis. Entre-temps, le scénario avait d’ailleurs changé: elle n’avait plus besoin de se dévêtir. «Sur le plan humain, les producteurs montraient qu’ils faisaient preuve d’une certaine sensibilité envers les acteurs; et sur le plan des affaires, ils tuaient dans l’œuf les problèmes potentiels (et leurs répercussions coûteuses)», écrit-elle. Tout est dit.