Le centre 127 bis, à Steenokkerzeel (Belgique). Crédit : Office des étrangers
Le centre 127 bis, à Steenokkerzeel (Belgique). Crédit : Office des étrangers

Normes sécuritaires non respectées, douches inaccessibles, absence d’examen médical systématique, cellules inadaptées à l’enfermement… Les critiques se multiplient au centre de rétention 127 bis, situé à Steenokkerzeel en banlieue bruxelloise. Quatre syndicats policiers appellent à un mouvement de grève et demandent la fermeture du lieu.

"Au 127 bis [centre fermé pour migrants, ndlr], les droits de l’Homme ne sont pas respectés. La situation y est catastrophique". Ces propos n’ont pas été prononcés par un membre d’une ONG mais par Thierry Belin, secrétaire national du Syndicat national du personnel de police et de sécurité (SNPS), joint par InfoMigrants.

Chaque personne en situation irrégulière qui est interpellée sur le sol belge est envoyée au 127 bis, situé à Steenokkerzeel, en banlieue bruxelloise. Au sein de ce centre de rétention, la police traite les dossiers administratifs des migrants (demande d’asile, demande de protection, ‘dublinés’…), prend leurs empreintes et peut mener des recherches dans la banque de données belge. L’Office des étrangers a 24 heures pour prendre une décision : soit le migrant est libéré, soit il est maintenu en détention en vue de son expulsion vers son pays d’origine ou vers le premier pays d’arrivée en Europe.

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Depuis l’ouverture du 127 bis en septembre, les critiques sur les conditions de vie des migrants se multiplient. Fait plus rare, elles émanent aujourd’hui des syndicats de policiers eux-mêmes. À tel point que quatre d'entre eux ont lancé un préavis de grève du 12 au 22 octobre, pour dénoncer leurs conditions de travail et les conditions de vie des migrants dans ce centre.

"Le gouvernement est hors-la-loi, nous ne sommes plus dans un État de droit mais dans un État voyou", lance Thierry Belin qui ne mâche pas ses mots, la colère transparaissant dans sa voix.

Normes sécuritaires non respectées

Selon les policiers, le bâtiment qui accueille les hommes seuls – les familles sont dans une autre aile – est insalubre et ne respecte aucune norme de sécurité : incendie, amiante, électricité… "On a remarqué qu’un extincteur était périmé depuis plusieurs années", explique encore Thierry Belin. "Hier, lors d’un exercice d’évacuation en cas d’incendie, un policier a mis trois minutes pour ouvrir une cellule. S’il y avait vraiment eu le feu, la personne enfermée serait morte".

Les syndicats dénoncent aussi des cellules non adaptées à l’enfermement : les migrants sont parqués dans des pièces sans fenêtres, sans accès à la lumière du jour, sans système permettant de contacter les gardiens ou de vidéosurveillance. De plus, des câbles électriques pendent dans les cellules.

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Les policiers craignent ainsi d’être confrontés à un suicide, un accident ou une bagarre et de s’en apercevoir "trop tard". "C’est inhumain ! Et si quelque chose de grave arrive, ce sont les policiers qui seront responsables !", s’inquiète le policier et responsable syndical.

Pas de douches ni d’examen médical

Des gros problèmes sanitaires ont également été constatés au 127 bis : les migrants n’ont pas accès à des douches et les toilettes sont mixtes et communes à tous (migrants et personnel policier).

"C’est de l’exagération totale", s’insurge de son côté Dominique Ernould, porte-parole de l’Office des étrangers, contactée par InfoMigrants. "Les toilettes sont séparées et personne ne reste plusieurs jours dans le centre sans se laver", affirme-t-elle. Or, selon Vincent Gilles, membre du syndicat libre de la fonction publique (SLFP), joint par InfoMigrants, "les douches sont inaccessibles en raison de la présence de salmonelle. On ne sait pas quand cela sera résolu", dit-il. Même son de cloche chez Mehdi Kassou, de la plateforme citoyenne d’aide aux réfugiés, très présent auprès des migrants de Bruxelles. "Les migrants sortis de ces centres me racontent qu’ils n’ont pas pu avoir accès à des points d’eau pendant leur séjour au centre", affirme-t-il.

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Autre manquement qui inquiète particulièrement les policiers : l’absence d’examen médical systématique. Quand les migrants débarquent au 127 bis, ils ne sont pas automatiquement orientés vers le médecin de permanence. Pourtant, "ce sont des personnes qui arrivent dans des conditions sanitaires épouvantables", précise Thierry Belin du SNPS. "Ils sont reçus que s’ils ont des signes extérieurs de maladie". Plusieurs cas de gale et de tuberculose ont en effet été recensés.

Le syndicat libre de la fonction publique (SLFP) réclame la fermeture du 127 bis. "On a ouvert ce centre dans l’urgence, on voit le résultat", s’indigne Vincent Gilles, secrétaire général. "On exige sa fermeture !".

Mehdi Kassou ne voit pas non plus comment un tel dispositif peut fonctionner. "C’était sur ! Les autorités ont ouvert le lieu, dans un bâtiment délabré, en sept jours, sans s'assurer que les normes sécuritaires étaient respectées", conclut-il.

 

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