“Une dynamique qui pourrait atteindre un résultat à deux chiffres” aux prochaines élections. Le journal de droite Kathimerini se fait l’écho de plusieurs sondages qui présentent le mouvement To Potami (Le fleuve) comme la troisième force politique du pays. Si ces enquêtes d’opinion sont contestées, l’apparition de cette formation et sa présence médiatique sont bien réelles.

Alors que le gouvernement d’Antonios Samaras (Nouvelle Démocratie, droite) et la Troïka [L’Union européenne, la Banque centrale et le FMI] ont trouvé un accord le 18 mars pour le versement d’une nouvelle tranche d’aide après plusieurs mois de négociations, une nouvelle formation est née à l’initiative du célèbre journaliste Stavros Theodorakis, que l’on compare parfois à l’Italien Beppe Grillo pour leur style et leur parcours semblables. To Potami se veut apolitique, constitué de personnalités diverses, et empruntant des idées à la droite comme à la gauche.

Si le journaliste star quitte les deux médias pour lesquels il travaillait (la chaîne de télévision Mega et le journal Ta Nea) pour s’engager pleinement en politique, il continue d’écrire sur le site Protagon, qu’il a lancé. Un média qui est à l’image de Potami : un regroupement de “personnes inquiètes” qui viennent d’horizons divers et qui veulent prendre en main une situation qui ne leur convient pas, ici dans le domaine journalistique, là en politique. Le webzine admet que la nouvelle formation suscite des attentes, mais il interroge les capacités de Potami à mobiliser les masses, jugeant la seule personnalité de Stavros Theodorakis insuffisante pour insuffler une nouvelle dynamique politique. “Un coucou n’apporte pas le printemps !” peut-on lire dans un article intitulé : “Emporté par la rivière ?

Le fleuve capable de tout laver

Les critiques à l’encontre de Potami se font plus acerbes dans I Avgi, qui dénonce l’absence de positionnement et de propositions. “Il ne dit rien pour ne pas exclure”, note le journal proche de Syriza [coalition de partis de gauche présidée par Alexis Tsipras], lequel relate l’exaspération d’un homme face à l’absence des thèmes majeurs – chômage, crise économique – lors d’une conférence de presse tenue en Crète. Sans profondeur, Stavros Theodorakis “suit les codes télévisuels qui l’ont servi depuis des années” pour séduire, souligne le quotidien de gauche en titrant : “Sans programme, ni montage”.

Pour le magazine progressiste Unfollow, l’émergence d’un tel mouvement “n’a rien d’inhabituel dans la Grèce actuelle, où le paysage politique s’effrite”. S’interrogeant sur l’électorat de Potami, le mensuel évoque la possibilité pour la formation de s’imposer sur la scène politique, par sa nouveauté et sa volonté de rompre avec les partis et figures traditionnelles. Mais si Stavros Theodorakis n’a pas de programme établi, le magazine n’oublie pas son soutien aux mesures d’austérité et le traitement médiatique qu’il accordait aux nazis d’Aube dorée. “Il semble que le fleuve soit capable de tout laver” résume amèrement Unfollow. [Héraclite, poète grec du Ve siècle av. J.-C. disait : Panta rei (Tout coule).]

L’apparition de ce nouveau mouvement est plutôt bien accueillie par le journal de droite Ta Nea, car “les cartes sont redistribuées, ce qui ne peut pas faire de mal”. Le quotidien explique que Potami s’est fondé sur les ruines du Pasok (Parti socialiste), et conseille à la formation de faire les efforts nécessaires au rassemblement du centre gauche, si elle veut “sauver le tableau des populismes de droite et de gauche”. La stabilité ou le recul des formations politiques existantes favorisent l’émergence de nouveaux mouvements tels que To Potami. Pour I Kathimerini, la formation de Stavros Theodorakis répond à une véritable demande, et la création de Potami a des conséquences : “Le paysage politique change”.

En arrêtant Les Protagonistes – l’émission télévisée qu’il animait jusqu’à présent – Stavros Theodorakis prend le devant de la scène politique.