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Une réfugiée malienne refuse un mariage forcé et poursuit sa scolarité

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Une réfugiée malienne refuse un mariage forcé et poursuit sa scolarité

Fatimata, 12 ans, a résisté à un mariage arrangé et y a échappé de justesse, mais son cas est le reflet d'un vaste problème dans la population de réfugiés maliens établis en Mauritanie.
10 Juillet 2018 Egalement disponible ici :
Dans la tente de ses parents, Fatimata écrit et dessine dans ses cahiers. Empilés derrière elle, les matelas et les couvertures qui lui auraient servi de dot.

Installée dans la tente de sa famille au camp de réfugiés de Mbera, en Mauritanie, Fatimata, 12 ans, se concentre sur la fleur qu'elle dessine dans son cahier.


Derrière elle s’empilent les matelas et les couvertures qui lui auraient servi de dot si elle n'avait pas résisté au mariage forcé que sa famille a essayé d’organiser pour elle avec un cousin éleveur de bétail dans leur Mali natal.

« Ce n’est que le jour où mon oncle du Mali est arrivé que j'ai compris ce que mes parents avaient arrangé pour moi », explique-t-elle. « Personne ne m'avait demandé si j'avais envie de me marier. J'ai eu si peur que je me suis enfuie. »

« Maintenant, je sais qu'ils en avaient parlé pendant longtemps avant de permettre à mon oncle de venir me chercher pour que je devienne la femme de son fils, un cousin qui vit là-bas au Mali avec son bétail », ajoute-t-elle. « Je ne l'ai jamais rencontré, je ne sais pas quel âge il a, mais je sais qu'il est nettement plus âgé que moi. »

Le camp de Mbera, où Fatimata vit depuis qu’elle a six ans, se trouve dans une région aride du sud-est de la Mauritanie, à proximité de la frontière du Mali. Depuis que les violences ont éclaté au nord du Mali en 2012, le camp offre un refuge provisoire à plus de 56 000 réfugiés maliens, principalement des éleveurs touareg et arabes que le conflit a privés de leur moyen de subsistance.

L'insécurité généralisée dans le nord du Mali ne cesse d’entrainer de nouveaux déplacements. Depuis le mois de janvier 2018 seulement, le camp de Mbera a enregistré plus de 4 700 nouveaux arrivants ; les réfugiés racontent les menaces, les extorsions et les exécutions sommaires par des groupes armés, et les conditions de vie éprouvantes dans leurs régions d'origine.

La pauvreté et la vulnérabilité des habitants du camp ont contribué au phénomène des mariages précoces forcés. En 2017, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, en a enregistré 97, et le nombre réel est probablement bien supérieur. En collaboration avec ses partenaires, tels l'UNICEF et l'ONG italienne Intersos, le HCR a créé un réseau de sécurité pour les enfants afin de garantir leur protection dans le camp.

« Mon oncle m'a attachée avec une corde pour m'empêcher de m'enfuir à nouveau. »

Fatimata a été retrouvée peu de temps après s'être enfuie et elle a été ramenée à la tente de ses parents. « Mon oncle m'a attachée avec une corde pour m'empêcher de m'enfuir à nouveau, mais j'ai réussi à me libérer et à me réfugier à nouveau chez ma cousine, à l’autre bout du camp », raconte-t-elle.

Elle a attendu jusqu’au lendemain matin et s'est rendue à l'école la plus proche pour demander de l'aide.

« Quand j'ai trouvé Fatimata, elle était en situation de détresse et elle avait des hématomes sur les bras et autour du cou, causés par ses efforts pour se libérer des cordes », témoigne Halima Sidiwa, une réfugiée nommée par Intersos comme point de contact pour assurer l'accueil d'enfants en danger, et chargée de leur offrir un lieu sûr en attendant l'examen de leur cas. Fatimata a passé cinq jours chez Halima, refusant de rentrer chez ses parents tant que son oncle n'était pas reparti. « Elle était terrorisée. Elle pleurait et disait qu'elle voulait retourner à l'école », se souvient Houleymata Diawara, employée du HCR en charge de la protection ; collaborant avec d'autres collègues en charge de la protection, Houleymata a discuté de l'affaire avec les chefs de la communauté avant de rencontrer la famille de la jeune fille.

Les conversations avec la famille n'ont pas été faciles, mais Walet, la mère de Fatimata, comptait parmi les personnes opposées au mariage. « Je n'étais bien évidemment pas heureuse de donner ma fille à un si jeune âge, et je leur ai dit mon mécontentement, mais ils ne voulaient pas m'écouter », dit-elle.

« Quand mon père a appris ce qui se passait, il m'a avertie de ne pas me mêler des arrangements entre mon mari et son frère aîné et de les laisser faire ce qu'il fallait », ajoute-t-elle. « Dans notre culture, le jeune frère doit respecter les décisions d'un frère aîné. Il avait déjà décidé de prendre la petite, et je me suis abstenue. »

« Maintenant que le mariage est annulé, je n'ai plus peur. »

Après de longues tractations, l'équipe de protection et les chefs de la communauté sont parvenus à convaincre la famille d'annuler le mariage et de permettre Fatimata de poursuivre sa scolarité dans le camp.

« Maintenant que le mariage est annulé, je n'ai plus peur », déclare Fatimata en souriant. « J'ai entendu dire qu'ils ont trouvé une autre épouse pour mon cousin et je suis heureuse de pouvoir aller à l'école. »

Nabil Othman, le Représentant du HCR en Mauritanie, explique que l'agence et ses partenaires vont maintenir le contact avec les communautés pour les sensibiliser à cette question et tenter de prévenir d'autres cas de mariages précoces forcés.

Pour permettre l'autonomisation des enfants, il est impératif de disposer d'un système fiable de référents et de protection. Et il ajoute « la documentation est également un outil important de protection des enfants, qui nous permet d'intervenir dans les cas de mariages précoces forcés. »

La Mauritanie délivre depuis peu des actes de naissance à tous les réfugiés maliens nés dans le camp. Pouvoir établir l'âge de mineurs est déterminant afin d’assurer leur protection ; cela permet aux autorités de recenser les cas de mariages précoces forcés ainsi que d'autres formes d'abus, avant de constituer un dossier de preuves contre les responsables.