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Des réfugiés syriens rentrent à la maison malgré la guerre

Un soldat vérifie l'identité d'un réfugié syrien.

Dans l’attente de retourner vers la Syrie, les quelque 480 réfugiés syriens ignorent ce que l’avenir leur réserve dans leur contrée natale.

Photo : Radio-Canada / Marie-Eve Bédard

Plus de 6000 réfugiés syriens au Liban auraient fait le choix de retourner dans leur pays, malgré la guerre et l'instabilité. Une des conditions de retour imposées par la Syrie : affirmer son allégeance au gouvernement de Bachar Al-Assad.

La noirceur de la nuit enveloppe encore la ville de Beyrouth lorsqu'ils commencent à arriver aux abords du stade de soccer au petit matin.

Chargés de valises, de cartons, de sacs de toile et d'autres paquets qui débordent du matériel qui reste de leurs vies d’exilés, les réfugiés s’apprêtent à rentrer chez eux, en Syrie.

Leur retour est orchestré par la Sûreté générale du Liban, en vertu d’une entente avec le gouvernement syrien.

Pour être admissibles au retour, les Syriens doivent avoir soumis les noms de chacun des membres de leur famille, qui sont ensuite acheminés à Damas. C’est la Syrie qui détermine qui peut revenir. Une des conditions de retour : affirmer son allégeance au gouvernement de Bachar Al-Assad.

Un soldat fouille le sac d'un réfugié.

Un soldat de la Sûreté générale libanaise fouille le sac d’une famille de réfugiés.

Photo : Radio-Canada / Marie-Eve Bédard

Naïma Al-Masri attend avec ses filles et ses petits-enfants que les soldats libanais fouillent ses bagages. Ils ont passé 6 ans au Liban, loin de leur maison à Deraa. Les hommes de la famille, eux, restent derrière et font leurs adieux.

« Peu importe la distance parcourue et le temps, ton pays va toujours te manquer, affirme Naïma Al-Masri. C’est la maison et ce sera toujours mieux que n’importe quel autre endroit au monde. »

Naïma espère retrouver en Syrie un minimum pour vivre avec dignité, malgré tout ce que la guerre a anéanti.

Assis au milieu de ses bagages, le vieux Moussa Ismael Hassan se montre particulièrement enthousiaste à l’idée de rentrer chez lui, même s’il sait qu’il n’y a plus de maison. « Nous n’avons pas de maison, dit-il, mais tout le village de Qamishli est notre maison. »

Nous vivons tous ensemble unis. À Qamishli, nous sommes des tribus et toutes les maisons nous seront ouvertes et vont nous accueillir.

Une citation de Moussa Ismael Hassan
Un réfugiés syriens attend avec ses deux fillettes.

Originaire d’Alep, Alawi al Yusouf attend avec ses deux cadettes, toutes deux nées au Liban, qui n’ont jamais vu la Syrie.

Photo : Radio-Canada / Marie-Eve Bédard

Deux bambins endormis sur ses genoux, Alawi est fatigué après toutes ces années à vivoter. Il croit que l’avenir de ses 5 enfants, tous nés au Liban pendant la guerre sauf l’aîné, sera plus clément chez lui. « Avec une famille, c’est devenu très difficile, confie-t-il. Les conditions de vie en particulier. Je ne trouve que parfois du travail journalier. »

J’arrive à peine à gagner de quoi vivre. Dans mon pays, même si nous devons manger du sable, ce sera mieux.

Une citation de Alawi Al-Youssouf

« Je ne peux pas refuser de partir, poursuit Alawi. Après tout, il faudra bien tous rentrer au pays. »

La Syrie et le Liban sur la même longueur d'onde

Le gouvernement libanais et le gouvernement syrien ont organisé une douzaine de ces retours de réfugiés vers la Syrie.

Depuis le début de ce programme, ils seraient plus de 6000 à avoir fait le choix de rentrer dans une Syrie toujours en guerre, selon la Sûreté générale du Liban.

Hussein et son copain sont parmi les rares jeunes hommes sans famille à attendre le départ devant le stade de Beyrouth. Pour eux, la décision de rentrer en Syrie veut dire qu’ils se retrouveront sans doute bien vite sur les lignes de front dans les rangs de l’armée syrienne.

Des soldats libanais fouillent des sacs des réfugiés syriens.

Les soldats de la Sûreté générale fouillent chacun des sacs et paquets, vérifient les téléphones. L’incertitude se lit sur les visages des réfugiés syriens qui attendent pour prendre le chemin du retour. Des soldats de la Sûreté générale libanaise fouillent chaque sac et paquet des réfugiés.

Photo : Radio-Canada / Marie-Eve Bédard

Faire son service militaire est aussi une des conditions pour avoir le droit de rentrer en Syrie. Le gouvernement a promis de pardonner aux retardataires s’ils reviennent. « J’aurais dû faire mon service militaire il y a un an, alors je vais mettre mes papiers en règle et le faire », explique Hussein.

Ce dernier croit que ça vaut quand même mieux que la difficulté de vivre au Liban. Au-delà de la grande pauvreté, c’est la discrimination et ce qu’il décrit comme du harcèlement des autorités libanaises qu’Hussein ne peut plus supporter.

On ne peut pas circuler librement, on est contrôlés, arrêtés et mis en prison pour trois jours. C’est comme ça sans arrêt pour moi depuis quelques années au Liban.

Une citation de Hussein

Les activistes toujours indésirables

Le président du Liban, Michel Aoun, insiste régulièrement pour que les réfugiés syriens rentrent chez eux, peu importe les développements politiques et militaires. Mais, tous ne sont pas les bienvenus.

Sohaib Abdo est un activiste politique qui vit à Aley, dans le Mont-Liban. Il est ici depuis cinq ans. Il croit que des gens comme lui ne pourront jamais revenir chez eux.

« Les activistes de la société civile, nous qui n’avons pas pris les armes, mais qui avons manifesté nos pensées, nous leur faisons peur. Ils préfèrent ceux qui ont combattu parce que ça servait leur argument de lutte contre le terrorisme, dit-il du régime. Ils ne me laisseront pas revenir. »

Même s’il pouvait rentrer, Sohaib croit qu’il ne serait jamais en sécurité chez lui. Officiellement, les Nations unies considèrent la situation sécuritaire en Syrie, mais elle ne permet pas le retour des réfugiés.

Sohaib Abdo.

L'activiste syrien Sohaib Abdo estime qu'il ne sera jamais en sécurité en Syrie.

Photo : Radio-Canada / Marie-Eve Bédard

Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) agit quand même à titre d’observateur à chacun des départs des Syriens.

Laura Almirall du HCR se défend bien d’envoyer un message contradictoire par sa présence, ce matin-là.

« Je crois que les besoins dans tous les pays hôtes de la région demeurent les mêmes », explique la directrice des opérations du HCR pour le Mont-Liban Laura Almidall.

« Nous avons des millions de réfugiés à l’extérieur de la Syrie, mais nous devons appuyer les réfugiés qui souhaitent rentrer à la maison », ajoute-t-elle.

Avec ou sans inquiétude à l’esprit, la fébrilité est palpable chez les volontaires au retour, leur fatigue est évidente. Après des heures à attendre sous un soleil de plomb des autobus réquisitionnés par le régime, il n’y a pas assez de place à bord pour le peu de biens qu’ils possèdent.

Un homme s’énerve et dit qu’il a changé d’avis. Il ne veut plus partir. Ce sont finalement les soldats libanais qui, pour calmer la crise, embaucheront un camionneur pour que les bagages soient du voyage.

Vérification de la liste de présence, comptage et recomptage des passagers : il aura fallu plus de 11 heures pour que le convoi de quatre autobus se mette en route vers la frontière. Une journée épuisante, angoissante. Mais, pour ces réfugiés, c’est devenu un quotidien. Un mode de vie qu’ils espèrent maintenant laisser derrière eux.

Marie-Eve Bédard est correspondante de Radio-Canada pour le Moyen-Orient.

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