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Économie

Cet épisode de Cash Investigation qui fait trembler la famille Pinault

Cash Investigation s'est penché sur la méthode d'optimisation fiscale du groupe Kering. A la clé 2 milliards d'euros d'impôts volatilisés. LVMH n'est pas oublié non plus avec une enquête très fouillée sur les sous-traitants du cuir. 

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Produits laitiers: où va l'argent du beurre?, une nouvelle enquête de Cash Investigation diffusée le mardi 16 janvier à 20h50 sur France 2

Cash Investigation épingle les groupes de luxe, notamment Kering et LVMH

France 2

Cash Investigation a enfin décidé de s’intéresser à l’industrie du luxe, un secteur très difficile à percer qui nécessite des moyens et du temps d’enquête ce dont, à priori, ce format d’émission dispose. Le résultat est à la hauteur d’une année d’enquête même si les trois sujets traités n’ont pas la même consistance. Les équipes d’Elise Lucet se sont penchées sur trois thèmes avec plus ou moins de pertinence : la sous-traitance du cuir en Italie, la fraude fiscale du groupe Kering et le sourcing de la fourrure en Asie.

Le sujet le plus fouillé est sans aucun doute celui sur Kering (Gucci, Yves Saint Laurent, Balenciaga…), propriété de la famille Pinault. L’émission décortique avec un luxe de détails les montages mis en place par le numéro deux français du luxe pour éviter de payer des impôts notamment en Italie et en France. L’enquête a été conduite en partenariat avec Mediapart qui n’a pas attendu la diffusion de Cash pour sortir son enquête au printemps dernier. Les chiffres sont donc pour la plupart déjà sortis et le parquet financier italien s’est déjà saisi de l’affaire et a lancé un certain nombre de perquisitions. Mais une piqûre de rappel n’est jamais inutile dans pareille situation : d’après Cash, le manque à gagner fiscal s’élèverait à 2,5 milliards d’euros depuis 2002. Rien que pour la marque française Yves Saint Laurent, le manque à gagner pour Bercy se chiffrerait à 180 millions d’euros. Cash nous emmène à Lugano, en Suisse à la découverte des entrepôts très discrets du groupe. Cette plateforme logistique placée sous la holding LGI serait la clé de voûte depuis des années utilisée par Kering pour y transférer les profits record de ses marques européennes. Tous les produits de luxe devaient transiter par la Suisse y compris les articles saisonniers et peu importe si ce transfert prend du temps l’optimisation fiscale prime sur la stratégie commerciale, explique le documentaire.

1,49 million de profits par an et par salarié

Car dans ce canton Suisse du Tessin, le taux d’imposition des entreprises y est limité à hauteur de 8% contre 33% à Paris et 25% à Milan. Quelle aubaine ! Résultat : cet entrepôt de 600 salariés annonce des performances absolument exceptionnelles de 900 millions d’euros de profits, soit 70% du montant total des profits du groupe. Un salarié de LGI génèrerait donc à lui seul 1,49 million de profits par an contre seulement 13 000 euros en moyenne dans les autres pays du groupe.

Cash dispose du témoignage musclé d’un ancien cadre du groupe, évidemment anonyme. Il faut l’entendre nous expliquer que « l’éthique fiscale n’était pas un sujet, la seule préoccupation des dirigeants de Kering était le risque d’un contrôle fiscal et le risque d’image pour le groupe ». C’est comme souvent, à l’occasion de l’assemblée générale annuelle de Kering, que Cash obtient des réponses à ses questions auprès des dirigeants. François-Henri Pinault, PDG de Kering joue le jeu et répond assez longuement aux questions de la journaliste. Droit dans ses bottes, il estime que « tout est parfaitement légal, LGI n’est pas seulement une plateforme logistique, cette entreprise a une vraie activité commerciale, 600 personnes y travaillent ». Mais dès que les questions se précisent, notamment sur le fait que LGI ait salarié des top manageurs du groupe, les réponses se font plus évasives : « nous répondrons à la justice italienne », se contente François-Henri Pinault. Pour le commissaire européen, Pierre Moscovici interrogé sur ce montage hors norme, il n’y a pas de doute, « cela s’assimile à un montage d’optimisation fiscale ». Pour l’ancien ministre français de l’Economie, « il faut que la richesse produite soit taxée là où elle est produite ». 

Un parquet financier toujours pas saisi

A ce stade du reportage, il manque à l’évidence une réaction des autorités françaises. Ni le ministre des Comptes Publics, Gérald Darmanin, ni son administration ne sont interrogés sur cette affaire qui concerne un groupe français. On a connu Elise Lucet plus pugnace en la matière. De même, on ne comprend pas bien pourquoi le parquet français ne s’est toujours pas saisi d’un morceau de cette affaire. Après tout l’entreprise française Yves Saint Laurent est aussi pointée du doigt également pour évasion fiscale. Un manquement passé sous silence par Cash. « Nous avons compris que le fisc français attendait que le fisc italien avance dans sa procédure pour se prononcer sur ce dossier », se défend Zoe de Bussière, l’auteur du documentaire.   

13 heures de travail sans pause

Les caméras de Cash investigation ont également choisi de se pencher sur les sous-traitants en cuir des grands groupes de luxe. A quelques jours de la présentation par LVMH de ses « Journées Particulières », les images des chaines de sous-traitants de Kenzo, maison du groupe, vont faire désordre. Alors que LVMH se targue, dans son propre code de conduite d’interdire le travail illégal, d’obligation à travailler dans un environnement sain, on découvre les méthodes de l’entreprise Termoplak fournisseur de Zabri, lui-même sous-traitant de Kenzo. Les témoignages des travailleurs de cette entreprise, pour l’essentiel des immigrés sans papier, sont accablants : doigts coupés par les machines, travail sans pause de 13 heures par jour, des mois entiers de salaires non versés, multiplication des accidents de travail… et une inspection du travail local qui ferme les yeux. Quant au numéro un mondial du luxe, il s’en sort avec une excuse en béton : « nous n’avons que de minuscules volumes sous contrat chez Zabri ». Interrogé par Challenges, LVMH précise qu'en 2017 le montant de la commande passé par le groupe à la maison Zabri s'élève à 1105 euros et elle était de 248 euros en 2016. Cash Investigation a bien essayé d’en savoir un peu plus auprès du groupe de luxe et n’a trouvé comme interlocuteur que le directeur de la communication. Pourtant Bernard Arnault multiplie les sorties publiques (assemblée générale, défilés de mode, inauguration). Là encore on aurait aimé qu’Elise Lucet tente sa chance auprès de la première fortune mondiale pour obtenir des réponses plus précises. 

Fourrure de lapin

Le dernier sujet abordé par Cash concerne les fourrures. L’émission d’investigation remonte toute la filière chinoise de fabrication de la fourrure de lapin pour la marque Max Marra. Les images des élevages de lapin sont certes choquantes mais est-ce vraiment le bon sujet et la bonne cible ? La fourrure est de plus en plus délaissé par les groupes de luxe, en revanche il y a sans doute beaucoup à redire sur les élevages de crocodiles d’Hermès ou de LVMH. Et plutôt que Max Marra, petite maison de luxe, il eut été plus pertinent de s’intéresser aux fourrures de la maison itialienne de LVMH Fendi (qui s’en est fait une spécialité) pour voir si cette filiale respecte à la lettre le code éthique du groupe.    

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