Cette plante guérit peut-être le paludisme… mais l’industrie pharmaceutique n'en veut pas

Cette plante guérit peut-être le paludisme… mais l’industrie pharmaceutique n'en veut pas
Culture d'Artemisia. (WORCESTER POLYTECHNIC INSTITUTE)

L’armoise est une plante thérapeutique hyper efficace et peu chère. Hélas pour elle, elle ne rapporte pas un sou à ceux qui profitent du système…

Par Arnaud Gonzague
· Publié le · Mis à jour le
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Le paludisme est l’une de ces calamités qui terrassent les pays les plus pauvres du globe, et qui passent dans nos vies pressées d’Occidentaux comme toutes les mauvaises nouvelles venues des antipodes : trop loin, trop compliquées… Pourtant, cette maladie infectieuse qui décime chaque année entre 500.000 et 1 million de personnes (dont 70% d’enfants), n’a rien d’une fatalité qui nous laisserait impuissants.

Il existe, semble-t-il, un traitement efficace à plus de 95%, c’est-à-dire au-delà des performances des antipaludéens classiques. Peut-être ce traitement est-il trop compliqué à produire, ou trop cher ? Eh bien, non puisqu’il s’agit de deux plantes cousines de l’absinthe et de l’estragon, l’armoise annuelle et l’armoise africaine (Artemisia annua et afra). Relativement facile à faire pousser, peu chère, facile à prendre sous forme d’infusion, dénuée d’effets secondaires et 100% naturelle, l’Artemisia n’a que des qualités… mais elle a un gros défaut : elle ne rapporte pas un sou à ceux qui profitent du système de santé.

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Ce qui ressemble à un scandale sanitaire international a déjà fait l’objet d’un beau documentaire, "Malaria Business" de Bernard Crutzen diffusé sur France Ô en 2017. C’est désormais un livre ("Artemisia, une plante pour éradiquer le paludisme", Actes Sud, 192 p., 18 euros) écrit par Lucile Cornet-Vernet, une orthodontiste parisienne, qui se passionne pour cette question depuis 2012, au point d’avoir créé des Maisons de l’Artemisia un peu partout en Afrique.

Son propos repose sur une question simple :

"Qui peut donc avoir intérêt au développement d’une thérapeutique efficace, locale, peu chère ? Ni les laboratoires, ni les gouvernements, ni les centres de santé qui reçoivent des subsides en fonction du nombre de cas déclarés."

Gros subsides des labos

Il existe bien une puissante Organisation mondiale de la santé (OMS), censée émettre des recommandations officielles de santé, loin des intérêts privés. Mais à en croire Lucile Cornet-Vernet (qui n’a cependant pas mené une enquête approfondie sur le sujet – c’est un peu la faiblesse de son livre), l’OMS a tout intérêt, financièrement, à jouer les intermédiaires entre les grands labos et les gouvernements des pays du Sud les plus touchés. Les gouvernements eux-mêmes touchent de gros subsides des labos sous forme de taxes d’importation. Pas de quoi encourager les locaux à cultiver Artemisia !

Officiellement, l’OMS reproche trois choses à l’armoise : elle compte une dose d’artémisinine (le principe actif de la plante) inférieure à la dose censée guérir un humain ; elle n’est pas stable (la dose varie d’une feuille à l’autre selon les conditions d’humidité) ; elle renforce la résistance du parasite plasmodium, responsable du paludisme.

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Trois reproches parfaitement infondés, selon Lucile Cornet-Vernet, qui s’appuie notamment sur les travaux de la professeure en biologie Pamela Weathers qui travaille depuis vingt-cinq ans sur l’artémisinine et son efficacité. Rien à faire : le caractère "ancestral" de cette plante cultivée depuis des millénaires fait figure de repoussoir face au "sérieux" des grands spécialistes et des laboratoires. En France même, son achat et sa commercialisation restent interdits.

Une campagne de presse est lancée dans notre pays pour faire reconnaître les mérites ignorés d’Artemisia : le 13 novembre prochain, une projection de "Malaria Business" est prévue à l’Assemblée nationale, sous l’impulsion des députés Cédric Villani et Stéphane Demilly. La cause est soutenue, entre autres, par Juliette Binoche et Stromae.

Arnaud Gonzague

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