Alsace: Espèce emblématique menacée, le grand hamster a-t-il une chance de s'en sortir?
ANIMAUX•Menacé par l'urbanisation croissante, le développement des routes ou le réchauffement climatique dans la plaine d'Alsace, l'emblématique espèce protégée du grand hamster lutte pour sa survie...Bruno Poussard
L'essentiel
- Face à l’urbanisation croissante, les monocultures ou le développement routier, le grand hamster est l’emblématique espèce menacée en Alsace.
- Alors qu’un programme européen piloté par la région Grand Est touche à sa fin en mars 2019, de nouveaux plans d’actions sont attendus.
- Après un colloque organisé à Strasbourg début septembre, «20 Minutes» a justement interrogé des chercheurs et des spécialistes à ce sujet.
Il n’y a pas si longtemps, le grand hamster d’Alsace était chassé et des villages versaient même des primes de capture. Mais de « nuisible », l’espèce est devenue menacée. Protégé depuis 1992, celui qu’on appelle aussi hamster d’Europe ou géant est un symbole des atteintes à la biodiversité. A Strasbourg, un colloque à son sujet a réuni des spécialistes début octobre.
Dans une situation critique, le Cricetus cricetus (son nom latin) semble aller mieux, pourtant, depuis deux ans, selon le comptage annuel de ses terriers. De 400 dénombrés en 2016, ils sont passés à 523 en 2017 et 685 en 2018. Difficile, toutefois, d’estimer à partir de là la population exacte de l’animal dans la seule région du pays où il se trouve.
Mais elle est toujours très réduite. Comme son territoire de vie sur trois petites zones (non reliées) qui n’ont que peu évolué. « Ça reste en dents de scie, commente Caroline Habold, chercheuse de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC) à Strasbourg. La hausse va-t-elle se maintenir ou rechuter ? Il faudra attendre plusieurs années pour le savoir. »
Des terriers en augmentation mais une situation « fragile »
A propos du hamster au pelage roux sur le dos et noir sur le ventre, Yves Handrich, autre scientifique alsacien, confirme : « Sa situation reste fragile, surtout quand on voit tout l’argent investi derrière. » Travaillant respectivement sur l’espèce depuis plus de 5 et 10 ans, les deux membres du CNRS participent aux programmes engagés pour sauver l’espèce.
Leurs recherches ont permis de mettre des mesures en place. Après la découverte que le maïs (culture très répandue en Alsace) pousse le grand hamster à tuer ses bébés, plus d’une dizaine d’agriculteurs ont par exemple été aidés pour expérimenter des parcelles à deux cultures (du blé et du soja, notamment), visant à favoriser sa reproduction.
Leur laboratoire dispose également d’un élevage utilisé pour des lâchers dans la nature, aux effets probables sur l’évolution positive de l’espèce. « Des jeunes ont aussi été observés, se réjouit Yves Handrich. Donc il y a de la reproduction et de la dispersion. » Plus à certains endroits qu’à d’autres cependant, de quoi donner de nouvelles pistes de réflexion.
De nouveaux financements recherchés par les chercheurs
Mais le projet européen Life Alister piloté par le Grand Est s’achève début 2019. Les chercheurs ont donc besoin de nouveaux financements pour aller plus loin. Un programme similaire pour toute la petite faune de plaine est envisagé. En attendant en France, un nouveau Plan national d’actions sur dix ans est attendu dans les semaines à venir.
Laurent Darley de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement l’annonce : « Il ne faut pas être euphorique, la chute de la population du grand hamster est enrayée mais à confirmer. Il reste beaucoup de travail. » Selon lui, le seuil de viabilité de 1.500 individus pour 600 hectares est loin d’être atteint pour sa préservation.
L’habitat du hamster dans les champs à préserver pour sa défense
Entre l’urbanisation croissante autour des villes et villages, les constructions de routes (dont la future autoroute de contournement ouest de Strasbourg qui traversera un des trois territoires du grand hamster d’Alsace) et le réchauffement climatique avec des hivers plus pluvieux et menaçants pour ses terriers, le grand hamster sera toujours en danger.
« Peut-être qu’on n’y arrivera pas sur le long terme, mais on espère maintenir l’espèce en améliorant son habitat dans les décennies à venir », termine Caroline Habold. Comme il restera des champs dans la plaine d’Alsace, la chercheuse estime qu’avec des cultures adaptées, la population du hamster pourrait vraiment repartir à la hausse.