La Commission européenne se prépare à rejeter le budget italien

Luigi Di Maio, Premier ministre, et Matteo Salvini, ministre de l'Intérieur. [EPA-EFE/Angelo Carconi]

Pour la première fois, la Commission européenne va rejeter le budget présenté par un des États membres. A moins que Rome le modifie pour limiter son déficit.

L’affrontement semble désormais inévitable entre Rome et Bruxelles, après des commentaires faits à Bruxelles par le ministre de l’Intérieur italien le 8 octobre.

« Les ennemis de l’Europe sont ceux qui sont coupés du monde dans leur bunker bruxellois… Les Juncker ou les Moscovici, qui ont apporté l’insécurité et la peur à l’Europe et refusent de quitter leurs fauteuils confortables », a déclaré Matteo Salvini, issu du parti d’extrême droite.

La semaine dernière, la Commission avait écrit à Giovanni Tria, le ministre italien des Finances, pour exprimer ses « grandes inquiétudes » quant au budget national en préparation. Le Premier ministre, Luigi de Maio, de la formation antisystème M5S, a répondu que Rome ne ferait pas marche arrière sur ses prévisions de dépenses.

Les fonctionnaires européens ont donc indiqué que la Commission exprimerait une opinion négative sur le projet de budget italien, qui devrait lui être envoyé d’ici mi-octobre. La proposition sera en effet contraire aux règles européennes contenues dans le Pacte de stabilité et de croissance.

Rome, nouvel ennemi de l’euro ?

Le nouveau gouvernement italien projette de laisser filer son déficit, ce qui inquiète déjà Bruxelles.

 

L’Italie prévoit un déficit de 2,4 % de PIB pour l’année prochaine, soit trois fois plus que ce que projetait le gouvernement précédent. Malgré les exigences de Bruxelles, l’exécutif italien n’a en outre prévu aucun ajustement structurel pour réduire son impressionnante dette publique, qui a atteint 132 % du PIB, le pire de l’UE après la Grèce.

Des représentants de la Commission ont donc indiqué que l’institution appliquerait à la lettre la procédure prévue pour garantir la crédibilité du Pacte. Après la présentation officielle du budget italien à l’exécutif européen, celui-ci aura une semaine pour tenter de faire changer d’avis au gouvernement italien.

Si cette tentative n’aboutit pas, la Commission publiera un avis négatif sur le budget deux semaines après sa présentation. La coalition gouvernementale de la Ligue (extrême droite) et du M5S (antisystème) aura alors trois semaines pour soumettre un nouveau budget.

Si les changements voulus ne sont toujours pas effectués, la Commission recommandera l’ouverture d’une nouvelle procédure de déficit excessif contre le pays récalcitrant, afin de le forcer à équilibrer ses comptes. Cette procédure devra être approuvée par les autres États membres.

Ce serait la première fois que l’exécutif européen refuse un budget national depuis l’adoption des règles actuelles, après la crise.

Rome appelée à revoir son budget 2019

Les ministres des Finances de la zone euro et la Commission européenne appellent le gouvernement italien à respecter les règles budgétaires de l’UE. Ils estiment que le plan budgétaire présenté par Rome met en danger la stabilité de la région.

Les tensions entre Rome et Bruxelles devraient continuer à enfler, puisque les agences de notation s’apprêtent à revoir la note attribuée à l’économie italienne.

Moody’s, qui a une perspective négative sur la note Baa2 de l’Italie, a déclaré qu’elle publierait une nouvelle évaluation avant la fin du mois. Standard & Poor’s, qui note la dette italienne « BBB » avec une perspective stable, devrait publier sa nouvelle notation le 26 octobre.

La guerre des mots lancée par Matteo Salvini et Luigi Di Maio a déjà fait chuter les marchés européens.  À Milan, les actions ont chuté de 2,3 % le 8 octobre, à l’ouverture des marchés. La prime de risque sur l’obligation italienne à dix ans a également de nouveau grimpé en flèche et a dépassé les 300 points de base par rapport aux obligations allemandes, qui servent de référence aux investisseurs.

Pour les fonctionnaires européens, l’important est d’éviter tout risque de contagion vers d’autres économies européennes. Des sources européennes ont d’ailleurs salué les efforts de stabilité budgétaire du gouvernement espagnol.

L’Italie et l’Espagne, troisième et quatrième économies de la zone euro, ont été fortement touchées par les turbulences des marchés financiers en 2012. Madrid a même été forcée de demander un renflouement de son secteur bancaire, afin d’éviter un programme d’aide généralisé.

Lundi, l’écart de rendement entre les obligations italiennes et espagnoles a atteint un plus haut inédit depuis 20 ans, à 203 points de base.

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