Ils existent mais ils sont rares, ces artistes ovnis frappés par une grâce délirante ; inclassables et solitaires, ils tracent leur chemin. Bruno Gironcoli (1936–2010) fait définitivement partie de ceux-là. Assez méconnu hors de son Autriche natale, il inspire aujourd’hui de nombreux jeunes artistes et fait enfin l’objet d’une exposition monographique en France, dans le cadre de Printemps de septembre à Toulouse. Resté légèrement à l’écart du marché, l’artiste a en fait passé le plus clair de son temps dans les ateliers de l’Académie des beaux-arts de Vienne, où il était professeur. Là, ses sculptures technoïdes monumentales, chromées de bronze ou d’argent, ont trouvé un espace à leur mesure. Quoique figées, ses formes semblent liquides, complètement instables et prêtes à muter. On y perçoit des bébés, des signes pseudo-religieux, des trônes, des chariots, des berceaux et même des presse-citrons… Les travaux de Bruno Gironcoli, pourtant à la limite du kitsch, tiennent leur ligne, élégante et aérienne. Ils semblent même conçus en 3D tant ils épousent les formes numériques, mais que nenni… Bruno Gironcoli donne à voir un monde « digitalement modifié », impénétrable et froid.
Bruno Gironcoli
Du 21 septembre 2018 au 6 janvier 2019
Couvent des Jacobins • 20 Place Sainte-Anne • 35000 Rennes
www.jacobins.toulouse.fr
Tout a commencé dans les années 1960 lorsque, vers 15 ans ou 16 ans, le jeune Yves Gastou acquiert un anneau doré alors qu’il fait un stage chez un antiquaire de Carcassonne. Il sera, selon ses mots, « contaminé » par la folie de la bague. Du joyau d’orfèvrerie à la babiole achetée sur un marché, sa collection fait l’objet d’une exposition à l’École des Arts Joailliers, à Paris : une première mondiale pour le bijou masculin. Composée de plus de 1000 spécimens où le kitsch côtoie le sublime, elle recèle de vraies pépites, à l’image de cet exemplaire en Plexiglas des années 1970 représentant une fellation ou encore de ces chevalières en obus manufacturées dans les tranchées par des soldats de la Première Guerre mondiale. Transmise de génération en génération dans le patrimoine des princes puis des bourgeois, la bague a fini par s’infiltrer dans le quotidien du commun des mortels. À ne surtout pas manquer : ses anneaux de deuil et d’amour dans lesquelles sont entrelacées des mèches de cheveux tressées, appartenant à l’être perdu ou adoré.
Vous trouvez que le sexe est partout ? Si vous visitez la galerie Jocelyn Wolff, aucune crainte, vous pourrez l’affirmer haut et fort sans qu’on vous tape sur les doigts. Entre ces deux boules posées au sol, ce petit os peint muté en pénis, cette lampe métamorphosée en paire de fesses ou encore cette banane, l’exposition de Santiago de Paoli ne dissimule pas ses penchants érotiques. D’ailleurs, elle n’est pas titrée « Peintures et Hotline » pour rien… Sur de petits formats au croisement de la fresque antique et du modernisme, ambiance Giorgio de Chirico, des formes spectrales à la fois domestiques et métaphysiques se confondent, se recouvrent avec tendresse et, semble-t-il, enfantent de petits œufs. Sur ces bouts de toile, de tissu ou de bois, l’argentin Santiago de Paoli projette ses rêves et fantasmes sexuels, spirites et mélancoliques.
Santiago de Paoli. Peintures et Hotline
Du 1 septembre 2018 au 14 octobre 2018
Galerie Jocelyn Wolff • 43 Rue de la Commune de Paris • 93230 Romainville
www.galeriewolff.com
Tirer le portrait de la société allemande. Une ambitieuse promesse que le photographe August Sander (1876–1964) a su tenir. Pendant quarante ans, il s’est appliqué à cette tâche, photographiant ouvriers, marchands, chefs d’entreprise, artistes… Aux grands projets, les grands moyens : ici, une méthode rigoureuse et un style documentaire scrupuleux pour lequel il est aujourd’hui mondialement reconnu. Mais l’enjeu de cette série – titrée « Homme du XXe » – réside dans son ambiguïté historique : l’artiste officia pendant le Troisième Reich et la République de Weimar. Il photographia, pour des besoins administratifs, des Juifs persécutés mais aussi leurs bourreaux, des nazis ayant fait appel à lui pour garnir leur album de famille… Si la volonté de cataloguer les individus en fonction de leur classe sociale et de leur profession apparaît aujourd’hui déplacée venant de l’artiste, il faut pourtant reconnaître à ses portraits – plus que dérangeants –, une humanité qui fait éclater les règles du projet. Au Mémorial de la Shoah à Paris, ce face à face entre Juifs et nazis est glaçant.
August Sander. Persécutés / persécuteurs des Hommes du XXe siècle
Du 8 mars 2018 au 15 novembre 2018
Mémorial de la Shoah • 17, rue Geoffroy l'Asnier • 75004 Paris
www.memorialdelashoah.org
L’exposition (indispensable) de Franz West au Centre Pompidou étant payante, vous pouvez vous rabattre sur celle que consacre la galerie Natalie Seroussi à cet artiste viennois. Installée à Saint-Germain-des-Prés, la galeriste a choisi d’actualiser et de mettre en regard son travail avec celui de Thu Van Tran. En lice cette année pour le Prix Marcel Duchamp, cette jeune artiste vietnamienne née en 1979 a recouvert les murs d’une substance violette, composée de pigments et de caoutchouc, son matériau de prédilection. C’est dans cet environnement immersif et dégoulinant, comme dans le travail de Franz West, que s’inscrivent les chrysalides rocheuses de l’Autrichien, de grosses tumeurs tout droit sorties de l’inconscient. Un dialogue fécond entre deux générations.
West World. Thu Van Tran, Franz West
Du 23 septembre 2018 au 24 novembre 2018
Galerie Natalie Seroussi • 34 rue de Seine • 75006 Paris
www.natalieseroussi.com
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