Depuis cinq ans, le photographe Hashem Shakeri arpente les rives du lac Hamoun, dans le sud-est de l’Iran. Autrefois verdoyante, la province du Sistan-et-Balouchistan est devenue un désert stérile, tombeau d’une culture raffinée.

Il fut un temps où la province du Sistan-et-Baloutchistan était le grenier à céréales de l’Iran, une terre riche et fertile, puissamment irriguée, terreau d’une civilisation millénaire. Il fut un temps où le lac Hamun était connu comme le septième plus grand lac du monde, le plus grand lac d’eau douce d’Iran. Sur ses rives prospéraient pêcheurs, agriculteurs et éleveurs. “La province est aujourd’hui condamnée à disparaître et à revêtir les attributs d’un mythe”, se désole Hashem Shakeri. Le réchauffement climatique et les barrages construits par l’Afghanistan sur le fleuve Helmand, le cours d’eau qui alimente le lac Hamun, ont prélevé leur dû. Après dix-huit années de sécheresse, la province est aujourd’hui exsangue. “Elle ressemble à un grand corps qui, recouvert de poussière, serait tombé dans un sommeil profond”, commente le photographe iranien. Voilà cinq ans qu’il arpente les terres craquelées du Sistan-et-Baloutchistan pour témoigner du désespoir des habitants. Quatre-vingt-quinze pour cent d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté : “Ils attendent dans les limbes, une attente absurde qui n’est pas sans rappeler la pièce de Samuel Beckett En attendant Godot.” Les fléaux se succèdent sans répit : chômage, famine, manque d’eau potable, tempêtes de sable et de poussière qui, des mois durant, chaque année, ravagent les corps et les âmes. L’exode s’impose peu à peu comme la seule issue, avec son cortège d’épreuves et d’incertitudes.

Le photographe : HASHEM SHAKERI

Né en 1988 à Téhéran, il a étudié l’architecture et la photographie en Australie avant de retourner en Iran et de se consacrer, à partir de 2010, à la photographie documentaire. Parmi ses centres d’intérêt revendiqués : les relations humaines, la justice sociale et l’aliénation de l’homme contemporain. Lui qui revendique notamment comme source d’inspiration les peintures de David Hockney et les personnages des films de Roy Andersson déclare volontiers que, en tant que photographe, il se sent tenu de “cultiver sa fibre artistique et d’explorer des dimensions ignorées”. Le travail que nous vous présentons ici s’intitule An Elegy for the Death of Hamun (“Une élégie pour la mort de Hamoun”).