L’exécutif européen veut favoriser la bioéconomie pour s’affranchir des énergies fossiles. Sans trancher sur le débat des bioénergies et de leur impact sur la forêt.
« La bioéconomie, ce n’était pas notre idée, au départ. L’industrie, les États membres et les ONG nous ont demandé de favoriser l’utilisation de ressources de biomasse de manière durable. Et voilà. » C’est ainsi que Jyrki Katainen a présenté la nouvelle stratégie de l’UE pour la bioéconomie, destinée à s’attaquer à des enjeux mondiaux, comme la hausse de la population ou le changement climatique.
« La bioéconomie peut produire du combustible à partir d’algues, recycler les plastiques, transformer des déchets en mobilier ou en vêtements neufs ou élaborer des engrais biologiques à partir de sous-produits industriels », souligne la Commission dans son communiqué.
Elle pourrait aussi contribuer à la réduction des gaz à effet de serre. En utilisant une tonne de bois au lieu d’une tonne de ciment dans le secteur de la construction, on économise par exemple plus de deux tonnes d’émissions de CO2, a précisé le commissaire.
C’est dans le contexte de la bioéconomie qu’on pourrait produire du plastique biodégradable, évitant ainsi la pollution des océans. « Nous avons déjà décidé de créer des normes pour le plastique biodégradable », a indiqué Jyrki Katainen. Les plastiques aujourd’hui appelés « biodégradables » sont en effet problématiques, puisqu’ils se divisent en petites particules sans disparaître, entrainant une hausse très dangereuses de la pollution microplastique.
« En développant notre bioéconomie — le volet renouvelable de l’économie circulaire — nous pouvons trouver de nouvelles façons innovantes de fournir des denrées alimentaires, des produits et de l’énergie sans épuiser les ressources biologiques limitées de notre planète », souligne-t-il, ajoutant que cela déboucherait aussi sur des créations d’emplois, potentiellement un million, selon la Commission.
Le grand retour du fumier
Les initiatives de bioéconomie ne résoudront pas le problème à elles seules, a souligné le commissaire, puisqu’elles sont « une solution partielle aux problèmes qui menacent aujourd’hui la planète ».
La stratégie européenne se centre sur une plateforme d’investissement dotée de 100 millions d’euros, afin de rapprocher les bioinnovations du marché et de « réduire les risques pour les investissements privés portant sur des solutions durables ». Des actions pilotes seront aussi lancées afin de favoriser le développement des bioéconomies, via la gestion des déchets ou l’agriculture bas carbone, par exemple.
La stratégie reconnait aussi de facto les dangers potentiels de la foresterie et de l’agriculture intensives en créant un système de suivi des progrès dans ces domaines.
L’utilisation des fertilisants issus de la biomasse est une des pratiques que la Commission voudrait voir se généraliser. « Je voudrais vraiment que le fumier soit davantage utilisé comme base pour les fertilisants. Ce serait dans l’esprit de l’économie circulaire. Et si nous parvenons à le faire, cela aura un impact conséquent sur la production et l’utilisation des fertilisants à base de déchets », explique le Finlandais.
La stratégie ne s’appesantit pas sur les bioénergies, récemment dénoncées par les protecteurs de l’environnement, qui soulignent qu’elles contribuent à la déforestation et à une hausse des émissions.
Dans un rapport publié le 8 octobre, l’Agence internationale de l’énergie qualifie la bioénergie de « géant négligé des énergies renouvelables ». « Sa part dans la consommation d’énergies renouvelables est d’environ 50 %, soit le même volume d’énergie que ce que produisent toutes les autres sources renouvelables », a insisté Fatih Birol, directeur exécutif de l’agence.