Il a filmé le changement climatique, Pierre Chassagnieux témoigne

Il a filmé le changement climatique, Pierre Chassagnieux témoigne

Spitzberg, île principale de l’archipel norvégien de Svalbard est située aux confins de l’Arctique. Cette île qui signifie « montagne pointue » en allemand, est à mi-chemin entre la Norvège et le Groenland. Son grand manteau blanc lui confère une beauté singulière qui attire les chercheurs, climatologues et spécialistes du monde entier, faisant d’elle un poste avancé de la recherche sur les aléas climatiques. Public Sénat a rencontré Pierre Chassagnieux, réalisateur du documentaire « Spitzberg, les vigies du climat », qui nous éclaire sur la situation de ce bout de terre perdu.
Public Sénat

Par Juliette Beck

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Pourquoi avoir choisi de réaliser un documentaire sur cette région ?

Pierre Chassagnieux : Cette thématique scientifique et environnementale me touche parce que c’est notre avenir commun qui est menacé. Le Spitzberg ce que j’en savais, c’était que ce sont les terres les plus aux nord, les plus septentrionales et que ce sont des terres fragiles car directement impactées par les conséquences des activités humaines et par le réchauffement climatique. On est tombé sur cette petite communauté scientifique de Ny-Alesund au nord de l’archipel, communauté scientifique où les invités sont triés sur le volet. Il faut montrer patte blanche, avoir une démarche intellectuelle, scientifique, et même parfois artistique.

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Spitzberg, est-elle un échantillon représentatif de l’influence de l’homme sur le climat mondial ?

PC : Oui et je voulais raconter comment sur un petit territoire, aussi grand que la Belgique, se joue l’avenir de notre planète. J’aurai voulu plus travailler avec des scientifiques chinois, coréens ou japonais, mais ils n’étaient pas présents. Il aurait été intéressant de comprendre évidemment à l’aune d’une réflexion scientifique, mais aussi d’une réflexion géopolitique l’enjeu ici, car autour de l’Arctique et la fonte des glaces se joue le transport de demain. Et j’aurais aimé poser la question à ces scientifiques, si leur présence n’est-elle pas la conséquence de leur intégration au conseil de l’Arctique ce forum intergouvernemental qui gère administrativement et diplomatiquement cette région du monde.

Dans votre documentaire, les exploitants de la dernière mine de charbon de l’archipel, sont conscients des conséquences néfastes de l’extraction. L’État norvégien continue cependant à extraire le charbon. Comment l’expliquer ?

PC : Il continue pour la bonne et simple raison que l’île est trop éloignée des côtes Norvégiennes continentales donc ils ne peuvent pas acheminer des câbles suffisant pour l’électricité et les ressources d’énergie nécessaires pour les 2000 habitants de Longyearbyen. Mais la réflexion autour de ce changement elle est actuelle, c'est-à-dire que la mine que je suis allé filmer, la mine 7 encore active, elle est destinée à être fermée, c’est une question de mois, je dirais. Il faut reclasser les populations, il faut les renvoyer sur le continent, il y a une dynamique humaine qu’il faut prendre en compte.

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Un nouveau rapport signé du GIEC tire la sonnette d’alarme, des mesures drastiques et immédiates doivent être mises en place pour lutter contre le réchauffement climatique sous peine de craindre des conséquences désastreuses pour le vivant. Les scientifiques présents à Spitzberg, sont-ils aussi alarmistes ?

PC : Dans le portrait que je livre, il y a deux scientifiques, il y a le scientifique de la région de Besançon Florian, il est glaciologue. Lui, oui, il est alarmé après comme il le dit, c’est au-delà du simple glacier. Il explique qu’on peut très bien vivre sans glacier, c’est esthétique, il y a des réserves d’eau, mais elles seront toujours dans le sol. Mais ce qui compte d’après lui, c’est la question du monde qu’on veut laisser à nos enfants. Florian, il est dans la réflexion d’après, l’anticipation, car aujourd’hui on n’a aucune visibilité sur le futur climatique. Clara la chercheuse de l’université de Brême, qui est sur le bateau, elle très prosaïquement raconte que le réchauffement climatique dans sa discipline, l’étude du phytoplancton qui permet de nourrir les poissons et de créer de l’oxygène, n’est pas impacté. C'est-à-dire, que le Fjord s'est adapté, mais quand bien même le Fjord s’adapte pour des régions qui ne s’adaptent pas le ratio est bien trop important pour qu’on ne s’en occupe pas.

À l’heure ou plusieurs pays signataires de l’accord de Paris comme les États-Unis, tournent le dos aux enjeux climatiques, pensez-vous que les pays industrialisés seront capables de limiter le réchauffement climatique à seulement 1.5 C° par une grande transition écologique, comme le préconise le rapport paru lundi ?

PC : Oui mais je pense que la politique américaine par exemple, qui est incarnée par celui qui est le premier magistrat à savoir le président Donald Trump, est déjà obsolète. Les états en Amérique, les États fédéraux ont déjà leurs propres mesures, et ils sont déjà impactés par le réchauffement climatique. Le dérèglement, il est constitutif de ce que sont les climats des différentes zones. Une zone tempérée, va rester plus ou moins tempérée même si elle est sujette à plus d’inondations, de sécheresse mais au final comme c’est le cas pour la France, la catastrophe sera plus difficilement perceptible en revanche, les États-Unis sont soumis à une multitude de climats, tropical en Floride, continental en Alaska, méditerranéen en Californie, océanique à Washington. Ce sont des climats beaucoup plus marqués que le nôtre et du coup, ils vont se prendre le dérèglement en pleine poire. Cela a déjà commencé en Californie avec les épisodes de sécheresse depuis quelques années. Les pouvoirs publics sont déjà en train de réagir et s’affranchir de la ligne voulut ou non voulut par l’administration Trump. Les États fédéraux vont devoir mettre en œuvre les moyens nécessaires pour pallier au manque de moyens de Washington, pour faire face aux enjeux du climat.

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